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qui ne fut inauguré que l’année suivante. Enfin, tout s’acheva par des chasses et des courses de chars qui furent présidées par Agrippa.

Cette fois tout est bien définitivement terminé, et vraiment ce n’est pas trop tôt : il nous semble que tout le monde, aussi bien le prince que les spectateurs, devait être à bout de force. Songeons que, depuis les purifications jusqu’aux courses de chars, les fêtes s’étaient succédé sans repos, et qu’elles avaient duré dix-huit jours pleins, dix-huit jours pendant lesquels pas un moment ne fut perdu pour la curiosité ou le plaisir.


III

Il nous faut revenir un moment sur le chant séculaire d’Horace. Nous venons de voir que notre inscription le mentionne comme un événement d’importance : Carmen composuit Q. Horatius Flaccus. Ainsi la composition d’une pièce de vers a paru mériter l’honneur de n’être pas oubliée dans ces relations officielles ; le nom d’un fils d’esclave est mis à côté de celui d’Auguste et des plus grands personnages de l’empire. Il nous est difficile de ne pas nous demander si l’œuvre répond à l’attrait qu’elle a fait naître, si elle est digne de la réputation qu’elle a conservée.

Les Romains adressaient ordinairement à leurs dieux des prières froides, sèches, encombrées de mots, et qui ressemblaient beaucoup à leurs formules juridiques. Elles avaient aussi ce caractère qu’il fallait les répéter fidèlement, sans rien omettre, sous peine de les recommencer. Nous en connaissons plusieurs, qui nous viennent des recueils épigraphiques ou nous ont été conservées par Caton dans son traité De la vie rustique. M. Mommsen s’en est fort ingénieusement servi pour reconstituer celles qui se trouvent dans notre inscription, et qui sont souvent fort mutilées. Ce qui lui a rendu le travail plus facile, c’est qu’elles sont toutes semblables et qu’une seule suffit pour donner une idée de toutes les autres. Voici celle que les cent dix matrones adressent à Junon le dernier jour de la fête ; je la traduis mot à mot, et avec ses longueurs et ses répétitions : « Junon reine, tu sais ce qu’il y a de plus utile pour le peuple romain des quirites. Nous, les mères de famille, les épouses, prosternées à tes pieds, nous te prions et te supplions de faire que l’empire et la majesté du peuple romain des quirites s’accroissent, de protéger toujours le nom latin, d’accorder au peuple romain des quirites le salut, la victoire et la santé, de favoriser le peuple romain des quirites et les légions du peuple romain