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en 1886-1887, 87 millions sur 328, en 1889-1890, 104 millions sur 449. La proportion n’est pas favorable à l’Angleterre ; malgré cela, il n’est pas question d’appliquer à la Birmanie un tarif dit protecteur qui la ruinerait sans enrichir la métropole.

Dans le chiffre des recettes, comme dans le chiffre des affaires, on constate un progrès. En 1886-1887, ces recettes étaient de 2,224,980 roupies ; elles se sont élevées, en 1887-1888, à 5,016,360 ; en 1888-1889, à 7,345,430 ; en 1889-1890, à 10,103,150 roupies. Cette augmentation régulière est d’un bon augure ; elle ne suffit pas toutefois à équilibrer le budget. Depuis 1886, le déficit annuel a été de 8 à 12 millions de roupies[1]. Mais ni le gouvernement de l’Inde ne s’en alarme, ni le parlement ne réclame l’évacuation ; ils savent qu’une colonie neuve ne fait point ses frais ; ils ont, à commencer par lord Dalhousie en 1852, prévu le déficit ; ils se rappellent ce qu’ont été les finances de la Basse-Birmanie et voient ce qu’elles sont aujourd’hui : cela leur fait prendre patience.


VI

Le commerce prospère, les finances assises sur des bases excellentes, mais toutefois encore, et pour plusieurs années, inférieures aux besoins du pays ; la machine administrative solidement établie sur des lois sages et sur de bons fonctionnaires, mais néanmoins arrêtée encore par des frottemens et exposée à des à-coups ; la pacification enfin et la sécurité progressant de jour en jour, mais cependant troublées, de temps à autre, par des réveils et même des succès de l’esprit de révolte : tel est, en quelques lignes, le bilan, au bout de six années, de la domination anglaise en Birmanie.

J’ai peur qu’il ne paraisse assez mince. Son apparente médiocrité causera quelque joie à ceux que la Birmanie empêche de dormir et fera sourire de pitié ceux qu’avait pu choquer la prétention de s’instruire à l’école de l’Angleterre. Quant à la réelle disproportion de ces résultats avec les moyens mis en œuvre, elle inspirera quelque doute à ceux qui de la sagesse et de l’habileté des Anglais avaient auguré des effets merveilleux.

Ceci me semble plus fâcheux.

Il y a, de par le monde, de braves lecteurs de romans qui tiennent par-dessus tout à la logique des caractères. Ils les veulent figés à jamais dans la rigidité de leur forme première. Les ont-ils vus d’abord vertueux, il les leur faut vertueux jusqu’au bout ; ils ne toléreront pas qu’ils se relâchent, fût-ce une minute, de leur

  1. Tous ces chiffres sont d’ailleurs sujets à caution. Les [documens anglais et les documens indiens ne sont nullement concordans.