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successivement par Myawaddi (16° 20’ lat. et 98° 30’ long.) ; Raheng, sur le Meh-Nam (17° lat., 99 long.) ; Lakon (18° 20’), et Kiang-Hsen (20° 40’ lat. et 100° long.) sur le Mékong. A partir de Kiang-Hsen, il suit de près le cours du fleuve et atteint Kiang-Hung, point terminus du précédent tracé. Ce projet, encore en faveur aujourd’hui, a l’avantage d’être plus court que les autres et de traverser des pays à pentes un peu moins fortes. L’altitude de Raheng est 377 pieds ; celle de Lakon, 763 ; de Kiang-Hsen, 1,097 ; enfin de Kiang-Hung, environ 2,000 pieds. En revanche, il a l’inconvénient de n’utiliser aucune ligne déjà construite et d’emprunter, sur un parcours considérable, le territoire siamois. En cela, il est inférieur aux autres qui, tous, restent exclusivement en territoire birman.

Si on l’examine de ce point de vue, il comporte quatre sections : deux en territoire birman, deux en territoire siamois, lesquelles se succèdent comme suit : Maulmein à Myawaddi, territoire birman ; Myawaddi à Raheng, territoire siamois ; Raheng à Kiang-Hsen, territoire siamois ; Kiang-Hsen à la frontière de Chine, territoire birman. Les deux portions birmanes ou plutôt anglaises mesureraient : de Maulmein à Myawaddi, 80 milles, de Kiang-Hsen à la frontière chinoise, 240 milles de long ; les deux sections siamoises mesureraient : de Myawaddi à Raheng, 88 milles ; de Raheng à Kiang-Hsen, 250 ; soit, au total, 320 milles pour les Anglais, et, pour les Siamois, 338 milles. Les dépenses probables s’élèveraient, pour les Anglais, à 2,500,000 livres sterling ; pour les Siamois, à 2,200,000 ; au total, en chiffres ronds, à 5 millions de livres ou 125 millions de francs. C’est là un très gros chiffre et rien ne prouve qu’il soit définitif. M. Holt-Hallett n’a pu faire que des études très sommaires ; le jour où l’on établirait des calculs plus précis, il est vraisemblable que l’on dépasserait ce devis d’un tiers, de moitié, peut-être de plus encore. Même en admettant qu’il soit exact, ce chiffre énorme constitue, pour un projet d’ailleurs bien conçu, un nouvel et très sérieux obstacle. On peut, en effet, se demander si les Siamois consentiront à construire ou seulement à subventionner une ligne qui leur serait infiniment moins utile qu’aux Anglais. Assurément, ils sont disposés à s’outiller à l’européenne ; mais, dans la liste très complète de leurs projets de chemins de fer qu’a publiée récemment M. le capitaine Jones, consul-général d’Angleterre à Bangkok, celui-ci ne figure pas[1].

J’ajoute que le public anglais s’est montré lui-même très opposé à une ligne qui ne serait pas tout entière en territoire anglais ; si bien que M. Holt-Hallett a dû récemment modifier son tracé et le faire passer à travers la Birmanie et les États shans birmans.

  1. Voir cette liste à peu près complète dans la brochure intéressante et exacte de M. le capitaine Devrez : les Grandes voies commerciales du Tonkin : Paris, 1891.