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On hésita pourtant entre les chemins de fer et les routes. Non pas en Birmanie, assurément, où l’idée ne vint même pas de comparer des moyens de transports si dissemblables dans leur but et leur utilité ; mais à Londres, à l’India office, lord Kimberley, quand on sollicita de lui l’autorisation de construire la ligne de Toungoo à Mandalay, répondit en demandant si, « tout au moins en l’état actuel des finances de la Birmanie, et tant qu’elles ne se seront pas améliorées, l’attention du gouvernement ne pourrait pas être plus avantageusement tournée vers de bonnes routes, utilisables en toute saison, qui relieraient entre eux les principaux centres. » Mais le gouvernement local triompha facilement de cette objection : aujourd’hui la Haute-Birmanie possède déjà 519 kilomètres (314 milles) et la Basse-Birmanie 546 kilomètres (336 milles) de voies ferrées.

Mais l’histoire même de la construction de ces chemins de fer est trop instructive pour que nous n’entrions pas dans plus de détails. En Basse-Birmanie on avait, pendant longtemps, paru se soucier des chemins de fer aussi peu que des routes. Les Anglais étaient maîtres d’une partie du pays depuis 1824, de la totalité depuis 1852, et c’est seulement en 1877 (le 2 mai) qu’ils avaient inauguré la voie de Rangoon à Prome. Puis un intervalle de huit années s’était écoulé avant l’ouverture de la voie de Rangoon à Toungoo. C’est une remarque bien digne d’attention que les Anglais dans l’Inde ont tâtonné durant près d’un siècle et demi avant de dégager une méthode rationnelle. En particulier, ils ne semblent avoir eu que très tard la notion de l’importance économique et politique des travaux publics, des voies de communication, etc. En 1836-1837, le budget des travaux publics ne dépassait pas 2 millions (81,000 livres sterling). En 1850, il s’élevait déjà à 10 millions (400,000 livres), sans parler d’un budget spécial pour les casernes, les hôpitaux, etc. ; en 1886-1887, les yeux étaient dessillés, et le budget des travaux publics atteignait près de 400 millions (15,617,000 livres sterling). Aussi, quand on songea à pacifier et à mettre en valeur la Haute-Birmanie, s’inspira-t-on d’autres idées que celles qui avaient longtemps prévalu dans le reste de l’Inde et notamment en Birmanie inférieure.

« Après une forte police et une bonne administration civile, rien n’est plus important, pour assurer la pacification, que l’ouverture de moyens perfectionnés de communication, et, entre autres, des voies ferrées que l’on est en train de construire jusqu’à Mandalay. » C’est en ces termes que s’exprimait la Revue d’Edimbourg (avril 1887), laquelle ne faisait que résumer l’opinion des hommes les plus autorisés. Dès la première heure, lord Dufferin, sir Frederick Roberts, sir George White, sir Charles Bernard, le