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IV

De tous les moyens qu’un gouvernement peut mettre en œuvre pour développer la richesse d’un pays, il n’en est guère de plus puissant que les travaux publics. Cela est vrai en tout temps et en tout pays ; c’est plus vrai encore dans un pays conquis et durant la période troublée qui succède à la guerre. Les premiers problèmes qui s’imposent au vainqueur sont, en effet, de décourager ses derniers ennemis en prouvant, par des faits et non plus par des paroles, que son établissement est définitif ; de se concilier la population laborieuse en mettant à sa disposition, si elle est pauvre, du travail, si elle est aisée, des instrumens perfectionnés de richesse ; de récompenser enfin ses soldats et ses fonctionnaires en leur assurant plus de sécurité et de confort. Ces problèmes, il peut les résoudre en partie à l’aide de travaux publics bien conçus.

Les chefs qui, depuis 1885, se sont succédé en Birmanie, ne s’y sont point trompés. Lord Dufferin, le premier en date, déclarait attendre beaucoup des travaux publics. Toutefois, la pénurie de ses finances le rendait fort modeste dans ses prétentions. Il ne voulait entreprendre tout d’abord que l’indispensable : des routes pour relier les points occupés et en atteindre de nouveaux ; quelques casernes et quelques hôpitaux pour les troupes si éprouvées par le climat et par les fatigues d’une surveillance incessante. Plus tard, il étendit son programme : des tribunaux et des maisons de fonctionnaires, pour garder un peu de décorum aux yeux des indigènes ; la réparation et même l’extension des digues et des canaux d’irrigation, et enfin des chemins de fer. Ses successeurs suivirent la même politique. En 1886, le budget des travaux publics de la Haute-Birmanie était environ de 2 millions de francs ; en 1887-88 et en 1888-89 il montait à près de 12 millions ; enfin, pour 1892, il est d’environ 13 millions de roupies, près de 25 millions de francs, dont 10 millions pour les seuls chemins de fer.

Voici comment se répartissaient les 12 millions du budget de 1889 : 4 millions pour les casernes, hôpitaux, etc. ; 3,100,000 francs pour les bâtimens civils : tribunaux, prisons, postes et télégraphes, etc. ; 1 million 200,000 francs pour diverses dépenses ; enfin 3,500,000 francs pour les communications[1]. Je ne m’occuperai que de ce dernier chapitre.

3,500,000 francs pour les voies de communication seulement ne

  1. Ces chiffres ne sont toutefois pas ceux que donne un document officiel : East India accounts and estimates, 1891-1892, C. 6454, 1891, p. 13. J’en citerai ici seulement les chiffres suivans qui se rapportent à l’année 1888-1889 : Irrigation, 246,000 roupies ; travaux publics militaires, 1,604,000 ; travaux publics civils, 2,908,000 ; total : 4,756,000 roupies, soit environ 9 millions 1/2 de francs.