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Quelles que soient les raisons du gouvernement anglais, une chose est constante, c’est qu’il n’a rien fait pour l’agriculture[1].

Il n’a rien fait non plus pour le commerce. A la vérité, il n’y avait rien à faire. Non-seulement dans un pays neuf comme la Birmanie, mais encore dans n’importe quel pays, ce qu’on peut faire de mieux en faveur du commerce, c’est de rien faire. Je ne parle pas, bien entendu, de l’outillage, mais de ces règlemens dits tutélaires, qui, sous prétexte de protéger et de vivifier le commerce, l’ont toujours paralysé, quand ils ne l’ont pas tué. Le gouvernement anglais a donc bien agi en n’essayant pas de rien réglementer, et son abstention, qui a été préjudiciable à l’agriculture, a, au contraire, été très heureuse pour le commerce, sans que toutefois le commerce soit, plus que l’agriculture, tenu envers ce gouvernement à quelque reconnaissance : on n’a dans tout ceci consulté que les seuls intérêts de la métropole.

Au surplus, c’est l’habitude de toutes les métropoles. La fondation d’une colonie n’est, de nos jours, qu’une œuvre de prévoyant égoïsme, que la métropole accomplit dans son exclusif intérêt et dont elle entend seule et au plus tôt recueillir les fruits. Mais les colonies, elles, sont comme les enfans : elles n’ont point demandé à naître ; une fois nées, elles demandent à grandir et à prospérer ; et toute circonstance qui gêne leur croissance ou retarde leur prospérité leur paraît odieuse ; plus odieuse encore si elle-est imputable à la métropole. Cette métropole, — qui n’a fondé la colonie que pour l’exploiter, — elle la considère comme tenue à donner toujours et à n’exiger jamais. De cette opposition de vues, très naturelle d’ailleurs, résulte un perpétuel conflit qui, plus ou moins aigu, commence au lendemain de la fondation de la colonie et ne finit guère qu’avec son émancipation.

Or cette lutte d’intérêts, le terrain sur lequel elle se manifeste d’abord, c’est le terrain du commerce. La métropole, lasse de toujours payer pour sa colonie, ne tarde pas à lui demander de participer aux dépenses et, pour cela, de se procurer des ressources régulières. Ces ressources, évidemment, elle se les procurera par l’impôt ; et le premier impôt qui se présente à l’esprit est un impôt de douanes sur les principaux objets que consomme la colonie ou dont elle trafique. Ces objets, suivant les circonstances et la nature des lieux, on en constate l’importance et la valeur à l’entrée, à la sortie ou à la circulation dans l’intérieur du pays. C’est d’une pratique si commode et si fructueuse, qu’à toutes les époques

  1. On ne peut, en effet, tenir grand compte des quelques avances d’argent qu’il a tonsenties aux cultivateurs. Ce sont là des moyens enfantins à côté du procédé si efficace de la dispersion des terres aux mains des colons.