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sont productifs, répartis entre les centres appelés Yenangyoung, Berne, Twingaung et Yenangyet. La production totale est de 15,000 à 20,000 viss par jour. Les deux centres de Yenangyoung et de Berne en fournissent la plus grande partie. Yenangyoung comprend 375 puits, dont 209 en activité, qui fournissent de 12,000 à 15,000 viss par jour ; et Beme, 151 puits, dont 72 actifs, qui fournissent par jour 3,600 viss. Jusqu’ici l’exploitation du pétrole a été conduite suivant les méthodes les plus rudimentaires ; mais les capitaux anglais les auront sans doute bientôt perfectionnées. Une grande maison, Finlay Fleming et C°, s’est déjà installée dans ce district. Il ne fait pas doute que ces capitaux ne soient convenablement rémunérés.

On n’est toutefois pas renseigné le moins du monde sur la richesse des sources de pétrole de Birmanie. Une discussion s’est élevée récemment entre deux ingénieurs anglais, dont le premier, M. Nœtling, admet seulement que l’on n’a peut-être pas encore découvert toute l’étendue ni toute la profondeur des couches de pétrole, et le second, M. Marvin, soutient que la Birmanie est plus riche en pétrole que le Caucase et les États-Unis ensemble. Cette affirmation optimiste rencontre beaucoup d’incrédules. Si les sources de Birmanie étaient d’une aussi prodigieuse abondance, la production, même avec les moyens primitifs usités jusqu’à ce jour, aurait augmenté et, à tout le moins, n’aurait pas diminué. Or, tout au contraire, il semble qu’elle ait diminué sensiblement depuis une trentaine d’années. Le capitaine Yule, en 1858, visitant le district de Yenangyoung avec cette attention minutieuse qui a fait de lui un des observateurs les plus précieux, n’y comptait que 200 puits. Les plus abondans y donnaient environ 400 viss par jour. Les autres n’en donnaient guère que 180. La production moyenne totale était d’environ 36,000 viss par jour. Et remarquons que cette production n’était pas encouragée ou facilitée, comme elle l’est aujourd’hui. Le pétrole se vendait fort bon marché : 1 roupie à 1 roupie 8 anas les 100 viss. La main-d’œuvre coûtait fort cher et il y avait un impôt d’exploitation de 10 pour 100. L’exploitant d’une mine racontait que, sur 27,000 viss de production mensuelle, il donnait 9,000 viss aux ouvriers, 1,000 au roi et 1,000 au propriétaire du district. Aujourd’hui où les recherches se font méthodiquement, où il n’y a plus d’impôt d’exportation, où le prix du pétrole est très élevé, la production diminue et la Birmanie Haute et Basse, loin de se suffire, est obligée d’importer (année 1888-89) des États-Unis 5,400,000 gallons et de Bakou 965,000[1]. Ces chiffres ne permettent guère de soutenir l’opinion de M. Marvin.

  1. Ces chiffres toutefois ne sont qu’à moitié probans et l’argument qu’on en peut tirer n’est pas décisif. Le pétrole de Birmanie sert difficilement à l’éclairage. La production en serait-elle beaucoup plus considérable qu’on aurait encore avantage à faire venir du pétrole d’éclairage de l’étranger et à réserver pour d’autres usages industriels le pétrole indigène. Au surplus, les chiffres de l’importation américaine en 1888-89 ont, probablement sous l’influence de la spéculation, dépassé énormément la moyenne des années précédentes. En 1887-88, cette importation ne s’élevait qu’à 1,900,000 gallons, tandis que celle de Bakou ne dépassait pas 1,200,000 gallons.