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du journalier nourri n’était que de 32 centimes au lieu de 34). Ce fut le moment où, depuis Henri IV, le pouvoir de l’argent fut le plus grand ; et, pour retrouver une proportion analogue, il faudrait remonter jusqu’au milieu du XVIe siècle. Il est probable que la prospérité croissante, multipliant les marchandises dans un moment où il y avait pénurie de métal, comme sous Louis XI et Charles VIII, contribuait à en avilir le prix. Les deux périodes où le bien-être fut le plus grand ont été ainsi, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, la première, une époque de cherté (1670-1685), la seconde, une époque de bon marché (1725-1740).

Je passe intentionnellement sous silence, dans cette revue des prix au XVIIIe siècle, le système de Law, parce qu’il n’a eu aucune influence appréciable sur le pouvoir d’achat des métaux précieux.

A partir de 1750, la baisse de l’argent reprend et continue jusqu’à la fin de l’ancien régime, avec une force qui rappelle presque ce qu’on avait vu deux siècles avant. Le filon de Guanaxuato, au Mexique, reproduisait les merveilles qui avaient jadis signalé le Pérou ; de plus, ces nouvelles mines contenaient une proportion d’or très appréciable, ce qui grossissait singulièrement les bénéfices, et le pays, riant et fertile, permettait d’entretenir les mineurs à moins de frais que dans les solitudes inhospitalières du Potosi. De 1750 à 1789 la terre fit plus que doubler de prix, la plupart des marchandises montèrent de 40 à 50 pour 100. Les salaires seuls demeurèrent en arrière, par suite de l’accroissement de la population sans doute, phénomène qui allait justifier ainsi, pendant quelque temps, les théories pessimistes de Malthus et de son école.

Il me resterait à rechercher, pour compléter cette étude, le pouvoir de l’argent depuis 1789 jusqu’à la fin du XVIIIe siècle ; afin d’apprécier les conséquences, non pas économiques, mais seulement monétaires, de notre révolution. Le cours extrêmement variable des assignats, selon les années et selon les provinces, n’est pas la seule difficulté qui compliquerait ce travail. En s’attachant exclusivement aux sommes payées en numéraire, on remarque que la création du papier-monnaie, suivie de sa dépréciation, fit monter le pouvoir de l’argent d’une façon extraordinaire, au rebours de ce qu’on voyait sous Louis XVI, où il baissait constamment. Ce pouvoir devient en quelques années le double, le triple peut-être de ce qu’il était précédemment ; si bien, qu’exprimé en monnaie réelle, le prix de la vie paraît avoir baissé prodigieusement sous la convention et le directoire. Ce fait, tout exceptionnel, cessa d’ailleurs avec le consulat.

En résumé, le pouvoir général de l’argent, qui avait été deux fois et demie plus grand que de nos jours de 1626 à 1650, ne fut