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célébrer, pour leur donner un caractère plus conforme à ses desseins, Auguste avait fort à faire. Heureusement, il était le maître. Quoiqu’il ne portât pas encore officiellement le titre de grand pontife, il disposait à son gré des collèges sacerdotaux ; il avait autour de lui des gens fort habiles, très versés dans la connaissance des vieilles lois et des anciens usages, et qui trouvaient dans le passé des raisons d’autoriser toutes ses innovations. Tel était cet Ateius Capito, le chef d’une école de jurisconsultes dévoués à l’empire, le rival d’Antistius Labeo, qui était resté fidèle à la république. Naturellement, Capito avait été comblé de faveurs par le prince, qui l’avait lait consul, tandis qu’on se moquait de l’obstination ridicule de ce pauvre Labeo à ne pas marcher avec son temps, et qu’il passait pour une sorte de sauvage, presque pour un esprit dérangé, Labeone insanior. L’empereur s’adressa donc à Capito pour sortir des difficultés que soulevaient les jeux séculaires, et il est probable que c’est la science complaisante du jurisconsulte favori qui trouva le moyen de les résoudre.

D’abord il fallait prouver, — et ce n’était pas une entreprise aisée, — que ces jeux devaient revenir juste à la date où on voulait les fixer. On y arriva au moyen d’un oracle sibyllin que nous avons conservé. Les sibylles étaient alors fort à la mode. Depuis que le recueil officiel de leurs prédictions avait disparu dans l’incendie du temple de Jupiter, où on les gardait, il en était venu beaucoup d’autres de l’Asie, où ce genre de prophéties avait toujours été fort répandu, et, au lieu que les précédentes, soigneusement enfermées dans le sanctuaire, n’en sortaient que pendant les malheurs publics, quand le sénat avait décidé de les consulter, celles-ci couraient librement le monde, excitant à plaisir les imaginations émues, si bien qu’Auguste, qui finit par les trouver dangereuses pour la sécurité publique, ordonna de les saisir et de les brûler. Mais, en attendant, il se servait sans scrupule de celles qui pouvaient lui être utiles. L’oracle sibyllin, dont il invoqua l’autorité pour célébrer ses jeux, ne fut peut-être pas inventé de toutes pièces pour la circonstance. M. Mommsen y remarque certains détails qui paraissent remonter à l’époque de la guerre sociale ; mais il se peut qu’il ait été revu et fort augmenté par Capito et ses amis. Il est sûr, dans tous les cas, qu’on affecta de suivre à la lettre les prescriptions de la sibylle, afin de donner une sorte de sanction religieuse aux fêtes qu’on renouvelait.

C’est notamment sur l’autorité de la Sibylle qu’on se fonda pour décider que le siècle ne comprenait pas un espace de cent ans, comme on le croyait d’ordinaire, mais cent dix ans. Puis, on essaya de faire croire, ce qui était encore plus étonnant, que les aïeux