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de travailler. Ici nous ne prétendons obtenir que des moyennes, donnant un degré suffisant d’exactitude.

Les pouvoirs particuliers de l’argent, qui s’appliquent à chacune de ces classes, et qui formeront ensemble le pouvoir général ou commun des métaux précieux, dans la proportion de 60, 30 et 10 pour 100, ne seront eux-mêmes que les moyennes de la puissance d’achat des sommes qui composent le budget de chaque catégorie. Ce budget se divise en deux parts, les recettes et les dépenses, que l’on peut supposer égales, bien qu’il y ait entre elles un écart représenté par l’épargne. Les salaires ouvriers, les gages des domestiques, le prix de loyer d’à peu près la moitié du sol cultivé, — cette moitié que possèdent aujourd’hui, et qu’ont aussi possédée autrefois nos millions de petits propriétaires, — les appointemens des petits emplois, telles sont les sources fort simples des recettes de la masse populaire. Ses dépenses ne sont pas moins rudimentaires : nourriture, logement, vêtement, éclairage et chauffage. Les dépenses de première nécessité s’amplifient dans la classe moyenne, et se compliquent d’un certain nombre d’autres frais, auxquels l’aisance relative de 2,400 à 7,500 francs permet de faire face. L’origine des recettes consiste alors soit dans la rente de la terre, dont cette classe possède aujourd’hui les trente-cinq centièmes environ, soit dans les honoraires des professions libérales, dans la rémunération attachée aux diverses fonctions publiques ou privées, et dans le revenu des valeurs mobilières, que les fluctuations du taux de l’intérêt permettent d’apprécier.

Enfin, dans la classe riche, qui commence aux rentiers simplement aisés de 7,500 francs, pour s’élever jusqu’aux archimillionnaires du XIXe siècle, successeurs de ces mihoudiers du XVIe, ainsi nommés parce qu’ils pouvaient dépenser mille sous ou cinquante livres par jour, les élémens des recettes sont les mêmes que dans la tranche sociale précédente, mais doublés, décuplés, centuplés ; et parmi les dépenses, où les objets de première nécessité ne tiennent qu’une place amoindrie, figurent les denrées recherchées, les meubles et vêtemens de luxe, chevaux, voitures, chasses, bijoux, tableaux, voyages, et ce que comporte un train de maison. Tout cela n’est d’ailleurs l’apanage que d’un très petit nombre de privilégiés, un sur quinze ou vingt peut-être, parmi ces détenteurs de plus de 7,500 francs de rente, qui ne représentent eux-mêmes qu’un cinquantième de la nation.


III

Que ce procédé soit sujet à critiques, qu’il y ait place à quelque arbitraire dans le quantum que l’on attribue aux recettes et aux