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un chiffre fixe qui représente les recettes, et additionnant la somme de besoins ou de jouissances auxquels ce chiffre correspond, on conclut, s’il en représente deux, trois ou quatre fois plus, que le prix de la vie était deux, trois ou quatre fois moins élevé à une époque qu’à l’autre.

On trouve ainsi pour la classe riche, pour la classe moyenne, pour la classe- ouvrière, trois pouvoirs de l’argent, spéciaux et différens, dont chacun a dû être recherché à part, et qui servent de types. On sait approximativement par les statistiques officielles, surtout depuis les travaux récens qui ont été faits à ce sujet[1], comment la richesse est répartie dans la France de 1892. On peut diviser les revenus en trois catégories : ceux qui sont inférieurs à 2,400 francs par famille ou par individu isolé, et qui forment environ 60 pour 100 de la masse totale ; 30 pour 100 de cette masse sont ensuite représentés par les revenus de 2,400 à 7,500 francs. Enfin 10 pour 100 seulement des recettes françaises privées se composent de revenus supérieurs à 7,500 francs.

Les individus se trouvent de leur côté répartis, au point de vue pécuniaire, en trois fractions : la première, presque exclusivement recrutée parmi les cultivateurs et les artisans, qui possède 60 pour 100 de la richesse nationale, tonne à peu près 80 pour 100 de la population. La seconde, à qui échoient 30 pour 100 environ du total des revenus, correspond à 18 pour 100 de la population ; la troisième, qui prélève 10 pour 100 dans la fortune générale, ne comprend que 2 pour 100 de la population, une famille ou un individu sur 50. Les 2 pour 100 des familles ou des individus isolés, — soit à peu près 200,000 feux, en comptant quatre personnes par feu, — ayant en France plus de 7,500 francs à dépenser par an, peuvent être divisés en 40,000 propriétaires fonciers, 40,000 propriétaires de valeurs mobilières, et 120,000 personnes qui obtiennent ce revenu par les bénéfices du commerce et de l’industrie, les professions libérales et le service de l’État ou des grandes administrations, en y joignant des biens personnels, de nature et d’importance variable.

S’il s’agissait de mesurer le degré d’aisance ou de fortune des Français contemporains, par rapport aux Français d’il y a cent, deux cents, cinq cents ans, on devrait multiplier les subdivisions dans le sein de chacune de ces trois catégories. Il est naturellement une foule d’espèces particulières dans chaque classe, selon que leurs membres sont célibataires ou mariés, selon que les familles sont plus ou moins nombreuses, et, dans la classe ouvrière, selon que les membres de la famille sont plus ou moins en état

  1. Voyez l’Essai sur la répartition des richesses, par M. Paul Leroy-Beaulieu.