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un certain nombre de groupes ou tableaux distincts, après avoir été convertis en francs et ramenés aux mesures actuelles du système métrique. Le lecteur entend bien que, sans ces chiffres, qui seront publiés quelque jour, cette étude ne serait qu’une dissertation plus ou moins ingénieuse, aisément réfutable. Par eux, elle acquiert un degré de certitude dont la science peut tirer profit.

Tous, nous sommes à la fois producteurs et consommateurs ; les productions des uns sont les consommations des autres, et réciproquement. Tous par conséquent, depuis le banquier milliardaire jusqu’au journalier rural qui vit de ses deux bras, nous sommes d’autant plus riches, ou d’autant plus aisés, que nous vendons plus cher nos marchandises : loyer de l’argent, de la terre, de l’intelligence ou du simple travail manuel ; et que nous achetons meilleur marché les marchandises d’autrui. Pour dresser le budget de chacun d’entre nous, depuis ceux qui dépensent par jour 25,000 francs, jusqu’à ceux qui dépensent 2 fr. 50, et apprécier les variations que ce budget a dû subir à travers les siècles, il convenait de savoir, à toutes les époques, le prix de tout ce que les hommes entre eux ont pu vendre et acheter.


II

Cela n’était pas moins nécessaire pour déterminer d’une façon positive, dans ses grandes lignes du moins, les oscillations du « pouvoir de l’argent, » depuis le commencement du XIIIe siècle, par exemple, jusqu’à nos jours. Or, la connaissance du pouvoir de l’argent est la base d’un travail historique sur la fortune mobilière.

Nul n’ignore que l’on entend par « pouvoir de l’argent, » — et par là, l’on désigne indistinctement les deux métaux monnayés, — le rapport de la valeur de l’or ou de l’argent fin d’une époque, à la valeur de l’or ou de l’argent fin d’une autre époque, prise pour terme de comparaison. Quelle somme de richesses représentait le kilogramme d’argent de 1300, de 1500, de 1700 ? Quelle est celle que procure aujourd’hui le même kilogramme d’argent ? « Ce parallèle, dit Jean-Baptiste Say, est la quadrature du cercle de l’économie politique, parce qu’il n’y a pas de mesure commune pour l’établir. » S’en tiendra-t-on en effet aux objets de première nécessité ? Fera-t-on entrer en ligne de compte toutes espèces de marchandises, et notamment les objets de luxe ? On devine les incertitudes et les difficultés que présentent ces comparaisons ; la plupart des historiens y ont renoncé, par lassitude : « les différences de valeur d’une même somme suivant les temps et les lieux, a-t-on souvent dit, ne pouvant être connues d’une manière