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une France divisée en trois catégories trop distinctes : — un tiers-état qui supportait presque toutes les charges ; — une noblesse qui n’habitait plus ses terres, et en dépensait les revenus à la cour, laissant à des intendans sans entrailles toute liberté d’opprimer les paysans ; — un clergé composé d’abbés galans, de hauts prélats, se réservant les bénéfices de l’ordre entier, pendant que les curés de campagne, tenus à l’écart, vivaient d’un maigre casuel.

Le 16 mars 1789, le Berry ainsi que toutes les provinces de France nommèrent, frémissantes, les députés chargés d’exposer leurs griefs. Ce fut un député du tiers-état du Berry, M. Legrand, de Châteauroux, qui, à Versailles, fit la motion de nommer Assemblée nationale la solennelle réunion des trois castes. Elle fut adoptée par acclamation. Les justices seigneuriales, les privilèges des nobles, du clergé, des provinces et des villes, les distinctions de la naissance, les maîtrises et les jurandes, tout le régime féodal, en un mot, furent abolis dans la nuit du 4 août avec un irrésistible entraînement. Le 28 octobre, les vœux monastiques sont supprimés ; le 2 novembre, les biens des communautés religieuses sont abandonnés à la nation ; le 14 du même mois, l’élection des municipalités est rendue aux citoyens des villes ; les anciens impôts, tailles ; vingtième, capitation, gabelle, droits de douane en vigueur dans certaines localités, se voient remplacés par des contributions à bases également réparties. L’organisation séculaire du clergé devait être, en outre, complètement modifiée : on arrêta qu’il y aurait un évêque électif par département et dix évêques métropolitains. Les cures elles-mêmes furent soumises à l’élection. Le Berry s’associa à toutes ces réformes avec tout l’enthousiasme de l’époque. J’ai déjà dit qu’il n’y eut ni massacres, ni proscriptions, rien de ce qui, à la chute des girondins, déshonora la révolution sur d’autres points de la France.

Voici plus d’un siècle que le royaume de France fut divisé en quatre-vingt-cinq départemens, et que dans ceux de l’Indre et du Cher s’est fondue la province du Berry. Il n’est pas tout à fait inutile de rappeler les raisons, aujourd’hui oubliées, qui motivèrent cette mesure, et, pour cela, quelques citations suffiront.

D’après Mirabeau, il fallait rapprocher « l’administration des hommes et des choses, et y admettre un plus grand concours de citoyens, ce qui augmenterait sur-le-champ les lumières et les soins, c’est-à-dire la véritable force et la véritable puissance. » Le terroriste Duquesnoy, — un ancien moine, — veut faciliter les rapports réciproques entre administrateurs et administrés, fondre l’esprit local et particulier en un esprit national et public. « Ceux, dit-il, qui habitent les campagnes et les petites villes désirent par-dessus tout que l’administration soit rapprochée d’eux