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violens, trouvaient un asile et la pitance selon l’expression des communautés. Les abbés les plus humbles y étaient choisis à l’élection, et leur élévation n’était due qu’à un réel mérite. A la fin du XVIIIe siècle, avec l’abolition des privilèges et l’esprit d’égalité qui, de tous côtés, se faisait jour, les cloîtres aux colonnettes élancées, aux dalles sonores, devaient être fatalement désertés. Il fallait aux hommes de la génération nouvelle des arènes où chacun, à titre égal, engagerait la lutte pour la vie. Ceux qui devaient en sortir sans souillure n’avaient-ils pas le droit d’espérer qu’ils en seraient récompensés à meilleur titre que les solitaires de la Thébaïde ou les cloîtrés des monastères ?

La naissance d’un nouveau duc de Berry, fils du dauphin Louis et de Marie-Josèphe de Saxe, le futur Louis XVI, avait été accueillie à Bourges par des réjouissances, et, pour la première fois, paraît-il, par d’abondantes aumônes aux pauvres. En 1776, les duchés de Berry et de Châteauroux, le comté d’Argenton et la seigneurie d’Henrichemont, ayant été donnés en apanage au comte d’Artois, ce personnage, pour bien se faire accueillir des Berrichons, fit construire un nombre considérable de hauts-fourneaux sur l’Yèvre, près de Vierzon, ainsi qu’à Ardentes, non loin de Châteauroux. C’était donner la vie et le mouvement à une partie de la province qui en manquait complètement ; le pays eût bien voulu lui en témoigner de la reconnaissance, mais le peuple, misérable, pressuré, réclamait autre chose ; il demandait l’abolition des abus, des économies à la cour, le droit de voter ses impôts, et enfin, sa place dans les administrations occupées jusqu’à ce jour par des protégés de grands seigneurs ou de plats courtisans.

Avec le désir d’apaiser un mécontentement devenu général en France, Necker eut une grande pensée, celle de créer des assemblées provinciales qui décideraient de la répartition des contributions dans les provinces, leur donneraient une représentation permanente, se feraient l’écho des plaintes populaires, et qui opposeraient une barrière au despotisme des intendans. Ces assemblées devaient encore exiger l’allégement des charges qui pesaient d’une façon inégale sur les contribuables, fournir des encouragemens à l’agriculture et imprimer une activité plus vive aux travaux publics. Turgot avait, de son côté, essayé une réforme municipale, en faisant élire dans chaque ville et dans chaque paroisse de campagne des municipalités chargées de répartir l’impôt, d’aviser aux travaux utiles à la communauté, de créer une police et d’émettre des vœux d’intérêt local. On ne se serait présenté devant les électeurs ni en qualité de noble, de roturier ou d’ecclésiastique, mais simplement à titre de propriétaire. Les municipalités urbaines ou