Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/679

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Charles II d’Angleterre, le duché d’Aubigny, érigé en pairie à son intention. Louis XV, ayant acheté du comte de Clermont, — mauvais abbé et général incapable, — le duché de Châteauroux, comprenant l’illustre fief de Déols-Chauvigny, le donna à Mme de Tournelle, sa favorite et sœur de la comtesse de Mailly. La marquise de Pompadour hérita des faveurs dont les quatre sœurs de Nesle avaient successivement pris leur part ; si je parle de la marquise, c’est simplement pour dire que Bourges servit de terre d’exil à son plus implacable ennemi, le comte de Maurepas. Il ne fut pas le seul. Le parlement ayant déclaré qu’il n’était pas besoin, pour obtenir la sépulture chrétienne, d’un billet de confession attestant qu’on avait accepté la bulle Unigenitus, — arme forgée par les jésuites contre les jansénistes, — trente de ses membres furent exilés à Bourges au mois de mai 1753. Ils ne s’y ennuyèrent pas, paraît-il, car un journal de leur séjour ne fait mention que d’intrigues amoureuses avec les dames de la ville et des duels qui en furent les conséquences. Sous Louis XV disparurent les plus célèbres abbayes du Berry. Fongombaud fut réunie au séminaire de Bourges, et les vieux moines qui s’y trouvaient durent en sortir, non sans regretter un asile où leurs prédécesseurs avaient joui de beaux revenus, de grands privilèges, bon gîte et le reste. Les siècles en ont fait une ruine superbe, intéressante à visiter en raison des souvenirs qu’elle évoque. Malgré la restauration qu’en ont tentée les Trappistes en 1850, son histoire religieuse est bien finie. La Sainte-Chapelle de Bourges, avec ses précieuses reliques, ses 40,000 livres de revenus, fut enlevée à ses chanoines et dépouillée au profit du clergé métropolitain. Des laïques n’eussent point osé. L’abbaye de Saint-Satur, sur les bords de la Loire, après avoir tenu tête aux violences des seigneurs féodaux, résisté aux exactions des papes, aux pillages des soldats anglais, aux persécutions des huguenots et, finalement, à la corruption des moines jusqu’au commencement du XVIIIe siècle, fut supprimée par le cardinal-archevêque de Bourges, M. de La Rochefoucauld, promoteur des mesures prises contre Fongombaud et la Sainte-Chapelle. Il en fut de même de la splendide abbaye de Saint-Benoît de Fleury, fermée par ordre de Louis XV et du pape Clément XIV, toujours au profit de l’archevêché de Bourges. Le monachisme des temps féodaux avait vécu.

On ne peut oublier qu’en des siècles moins corrompus, les moines avaient gardé intact le dépôt de parchemins rares, qui, reproduits, étaient artistement et patiemment enluminés. C’est aussi dans les monastères du Berry, dans une région sans cesse agitée par les guerres, que beaucoup d’êtres faibles, de filles nobles injustement dépossédées de leurs héritages par des collatéraux