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hommes, dès qu’ils sont épris de quelque chose, de rassembler inconsidérément tout ce qui s’y rapporte, et de le dédaigner ensuite. Je ne m’étais pas encore aperçu de cette folie ; le lendemain du jour où j’ai reçu votre lettre, je me suis défait de tous mes chiens, excepté de neuf, que vous me permettrez de garder. » Cette épître était écrite en langue latine, comme toutes celles que le duc écrivit jusqu’en 1636. C’était d’après l’ordre de son père.

La fin du règne de Louis XIII se termina sans trouble pour le Berry, grâce à la fermeté du cardinal de Richelieu qui finissait par triompher sur toute la ligne du mauvais vouloir des grands seigneurs.

L’institution des conseillers du roi, intendans-généraux, présidens aux bureaux de finances des généralités du royaume, fut la plus importante des réformes menées à bonne fin par le grand ministre. Le gouvernement y gagnait en force et en unité ; puis cela mettait un terme au gaspillage dans les perceptions et de la clarté dans les finances. Tout eût été pour le mieux si, à la date où je me trouve dans ce résumé de l’histoire du Berry, il ne fût survenu sur toute l’étendue du territoire français comme une éclosion de moines prédicans, mendians et autres, tous possédés de la passion irrésistible de combattre à outrance l’hérésie, c’est-à-dire le protestantisme. La charité, la tolérance, l’humilité, ces belles vertus des premiers chrétiens, n’existaient plus depuis longues années ; la vie contemplative des anachorètes, des austères apôtres de la foi, avait cessé au désert comme dans les monastères d’hommes et de femmes ; abusant de leur caractère sacré, les religieux de ces temps d’intolérance s’introduisaient dans les familles pour y jeter la discorde et la haine. Rien de moins recommandable, au commencement du xvir9 siècle, que le plus grand nombre de ces porteurs de frocs, à la fois paresseux, mendians et débauchés. Voici ce que dit de la célèbre abbaye de Fongombaud, on Berry, le prieur dom Andrieu :

« Chacun des moines demeurait en sa maison, hors de l’abbaye. Chacun y vivait à sa mode, avec très peu d’édification. Quelques-uns croyaient qu’une servante était un meuble nécessaire. On nous a fait bien des contes là-dessus ; et nous n’en parlerions pas, si nous n’étions obligés d’instruire ceux qui viendront après nous, afin de les persuader de la nécessité où sont les religieux de vivre régulièrement, de mettre tout leur revenu en commun, de bannir les femmes de leurs cloîtres et de vivre dans une grande piété. On disait en ce temps les matines quand il faisait jour, en hiver aussi bien qu’en été ; il n’y avait que deux prêtres qui célébraient la