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deux Berrichons, les seigneurs de La Châtre et de Sarzay. Catherine de Médicis et le jeune Charles IX ne dédaignèrent pas d’accroître l’ardeur des soldats papistes par leur présence devant les villes qu’on voulait réduire. Bourges, qui, pendant quelques mois, s’était mise aussi du côté de la Réforme, dut capituler entre leurs mains le 1er septembre 1562.

Le massacre de la Saint-Barthélémy eut, en Berry, un sanglant écho. Les Sancerrois, exaspérés, fermèrent les portes de leur cité, accueillant à bras ouverts ceux des protestans, leurs coreligionnaires, qui fuyaient le poignard des fanatiques. M. de La Chaire vint les assiéger par ordre du roi. Si terrible fut la famine qui se déclara après plusieurs mois dans la malheureuse ville, qu’on surprit une famille préparant de monstrueux festins avec un enfant étouffé par elle. Le père fut brûlé vif, la mère étranglée, et son corps jeté dans les flammes. Comme Bourges, Sancerre dut se rendre ; mais dans des conditions fort honorables pour l’héroïque cité : l’exercice de la religion réformée resta permis aux habitans ainsi qu’à ceux qui s’étaient réfugiés auprès d’eux ; le roi leur remettait leurs offenses, leur garantissait la vie, l’honneur de leurs femmes et de leurs filles. Pour remplacer le pillage que la soldatesque réclamait, une amende de 40,000 écus fut imposée à la ville et répartie entre les assiégeans. M. de La Châtre n’en déshonora pas moins sa victoire, — s’il y a triomphe quand une ville est prise par famine ou trahison, — en laissant commettre d’inutiles cruautés. Après son départ, les catholiques qui, en très petit nombre, se trouvaient à Sancerre, mirent la malheureuse cité au pillage ; celui qui l’avait réduite et en avait gardé le gouvernement n’eut pas le courage d’intervenir.

Le duché de Berry fut donné en usufruit sous Henri III à la veuve de Charles IX, Elisabeth d’Autriche ; comme elle quitta bientôt la France, elle se désintéressa complètement de ce don magnifique. Le duc d’Alençon, frère du roi, qui s’était mis à la tête des mécontens, reçut pour prix de sa soumission la ville de Bourges, ainsi que les duchés d’Anjou et de Touraine. Il entra dans Bourges le 15 juillet 1576. Une sorte de trêve s’était établie entre catholiques et réformés, lorsque la peste qui, depuis 1580, sévissait à Paris, y éclata tout à coup et y fit un nombre effroyable de victimes. Comme à Londres, quand régnait l’horrible fléau, une sorte de folie frappa la population. A côté d’exercices pieux, qui devaient éloigner l’épidémie, se commettaient des sacrilèges et des actes de lubricité inqualifiables. On ne voyait dans les rues que mascarades et folies du même genre. C’est dans la maison des « pestes » qu’eurent lieu les plus grands désordres, et les