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Il faut voir dans l’enregistrement de ces coutumes autre chose qu’une mesure d’ordre ; c’est la marche en avant, inéluctable, de l’esprit de progrès qui, sous Louis XI, avait combattu les excès de la féodalité, qui, avec Luther et Calvin, combattait l’empiétement du clergé, et qui, enfin, sous François Ier, faisait refleurir les arts et les belles-lettres.

César enseigne, dans ses Commentaires, que les Gaulois avaient un droit civil très compliqué. Les druides en étaient, paraîtrait-il, les dépositaires, mais ceux-ci dispersés et anéantis par la conquête, la loi romaine s’établit en Gaule et y fut appliquée pendant cinq cents ans. Je n’ai pas à répéter que le Berry, par sa situation centrale, fut le point de séparation entre le Nord et le Midi, là où la langue d’oil se détachait très nettement de la langue d’oc. Longtemps, très longtemps, le Berry avait été lié à la seconde par toute sorte d’attaches ; mais quand Philippe Ier acquit la vicomte de Bourges pour s’en faire une entrée dans l’Aquitaine anglaise, la vicomté fit partie de la langue d’oil ; tout ce qui n’était pas dans les limites de cette acquisition n’en resta pas moins attaché à un passé qui lui était sympathique. Ce ne fut que sous saint Louis, lorsque ce roi hérita de Blanche de Castille, que le Berry passa tout entier au nord. Donc, rien de surprenant à ce que les graves jurisconsultes qui allaient condenser en un texte écrit l’ancienne coutume du Berry y trouvassent des vestiges du droit romain tel qu’il domina dans les Gaules jusqu’au Ve siècle, des traces de lois germaniques importées par les Francs, et enfin d’anciens usages féodaux ayant acquis force de lois, usages cruels, qui, comme pour le duel, se résumaient en « jugemens de Dieu » et à des épreuves par le feu et par l’eau.

Dès le mois d’octobre 1539, les trois États de la province se trouvaient réunis dans la grande salle du palais à Bourges. Le clergé était représenté par l’archevêque, le doyen et le chapitre de la cathédrale, par les abbés des couvens, les trésoriers, doyens, prévôts ou autres ayant la première dignité dans les églises collégiales et les archiprêtres ; la noblesse, par les comtes, les barons, seigneurs, nobles tenant terres, seigneuries et fiefs ; le tiers-état, par les maires et échevins de Bourges et autres villes, et ceux qui avaient la superintendance de leurs affaires ; les lieutenans, avocats et procureurs du roi aux sièges particuliers du bailliage. On fit l’appel ; les recteurs, docteurs, facultés et nations firent défaut. C’était une protestation du vieux droit romain contre le droit coutumier qui allait prendre sa place. Les premiers articles assuraient aux manans et habitans de Bourges, ainsi qu’à ceux des principales villes de la province, la liberté comme aux nobles et la