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Avec l’avènement de François Ier et la sanglante bataille de Marignan, le duché du Berry fut donné à la Marguerite des Marguerites, la veuve du duc d’Alençon, qui se remaria au roi de Navarre. Elle y protégea les lettres, et appela à l’université de Bourges les professeurs les plus en renom. Le 20 mars 1518, elle constitua à Bourges les « Grands Jours, » sorte d’assises qui, une fois par an, se réunissaient dans la capitale des provinces pour connaître des décisions de toutes les justices, sans préjudice de l’appel au parlement, s’il y avait lieu. La basoche était alors toute-puissante, frondeuse, remuante, et la création des Grands Jours était une occasion de plus pour ruiner les plaideurs. Ce n’était que le moindre des fléaux, car la peste ravagea le Berry en 1517, 1526 et 1532 ; elle fut si terrifiante en 1517, que le clergé décida de ne plus exposer à la vénération du peuple le livre des Évangiles par crainte de la contagion dans les églises. En 1523, éclata la conspiration du connétable de Bourbon, dans laquelle plusieurs seigneurs du Berry furent compromis. Le fils de l’un d’eux, Jean de Brosse, afin de trouver grâce auprès de François Ier, épousa Anne de Pisseleu, duchesse d’Étampes, maîtresse du monarque. Cette conspiration amena en Berry des bandes de soldats qu’on oubliait de payer, — et pour cause ; — ils parcouraient les villages et les bourgades, en y renouvelant les brigandages des Cotereaux, des Brabançons et des grandes compagnies.

La bataille de Pavie fut meurtrière pour la noblesse berrichonne. Là, périrent le vieux La Trémouille, Louis d’Ars, d’Amboise, âgé seulement de vingt-deux ans, et dernier rejeton de cette maison ; puis Gabriel de Prie, René de Brosse, seigneur de Boussac. Il faut en passer, car longue fut la liste des nobles et des roturiers qui firent porter le deuil à beaucoup de familles du Berry. Il fallut avec cela se cotiser pour aider à réunir les douze cent mille écus d’or réclamés pour la rançon de François Ier. On appela cela le a don gratuit de la noblesse, » mais ce ne fut pas sans maugréer qu’elle se dessaisit de son argent.

Les idées de réforme religieuse se propageaient déjà en ce temps-là dans le Berry, Marguerite s’y montrant tout acquise et accueillant avec faveur tous ceux qui venaient chercher protection auprès d’elle. Ce fut pour la province l’origine de troubles sanglans. Malheur à qui osait se dire à haute voix partisan de l’église réformée, et malheur aussi au papiste isolé au milieu d’un groupe de huguenots. En 1540, un étranger, qui était venu du Périgord au bailliage de Dun-le-Roi, fut accusé d’hérésie et brûlé vif, la sentence ayant été confirmée par le parlement.

Issoudun et Sancerre furent deux foyers ardens de protestantisme.