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villa Palombara ; de beaux débris d’architecture, comme ceux de Minerva medica et des Trophées de Marius, y attestaient l’ancienne splendeur. Quand le gouvernement italien, après 1870, y voulut faire un quartier, les travaux de voirie mirent à jour de si nombreux morceaux d’art qu’on en put former, en 1876, tout un musée, annexe de l’ancienne galerie des Conservateurs. Une Vénus devenue bientôt célèbre, six ou sept de ces stèles ou bas-reliefs funéraires, monumens de l’art grec archaïque, dont presque tout débris est précieux, une foule de statues, de sarcophages, de bustes historiques, sans compter les bronzes, composèrent la nouvelle collection. Il faut y ajouter les peintures, cette frise retrouvée dans un columbarium près de la station actuelle du chemin de fer, et qui représente en une suite de scènes les origines mythiques de Rome, mais surtout un curieux fragment de fresque, détaché sans doute d’un monument funéraire de la corporation des tibicines : il porte inscrit le nom de Fabius Maximus, vainqueur des Gaulois et des Samnites, à cette bataille de Sentinum, si admirablement décrite par Tite-Live, où se dévoua le second Décius. Il reproduit peut-être, en une copie modeste, une grande peinture de Fabius Pictor, et remonte environ à l’an 300 avant Jésus-Christ. C’est peut-être le reste le plus ancien que nous possédions de la peinture romaine.

Un esprit de spéculation effrénée sur les terrains et les constructions d’immeubles s’était éveillé au signal des premières entreprises édilitaires. On le vit envahir la partie de la ville qui occupe la colline et le plateau du Quirinal. Là se trouvaient, dans l’antiquité, la villa des Scipions, le temple du Soleil, élevé par Aurélien, et que le pape Paul V a fait détruire, — d’admirables débris en subsistent dans les jardins Colonna, — les Thermes de Constantin, et ces somptueux jardins de Salluste dans lesquels, au commencement du XVIIe siècle, le cardinal Ludovisi, l’heureux et opulent neveu de Grégoire XV, établit la villa célèbre qui porta son nom. Il n’est pas de voyageurs ayant visité Rome avant ces dernières années qui ne se rappelle les beautés de cette demeure, la grande allée de cyprès ensoleillés, les serres luxuriantes adossées aux vieux murs de Rome, la chaude promenade d’hiver, familière et facile, si près du centre de la cité. Tout cela a disparu pour faire place à un quartier moderne : Rome a perdu l’une de ses merveilles. Le nouveau palais Boncompagni a du moins ménagé un honorable asile à cette riche galerie qui contient tant d’œuvres antiques du premier ordre : la tête en bronze dite de Scipion l’Africain, la fameuse tête de Junon, la prétendue Méduse mourante, le prétendu groupe d’Arria et Pætus, celui d’Oreste et Electre, l’Enfant à l’oie, la Vénus accroupie, le Mars au repos…