Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/480

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taxes nouvelles qu’on établira atteignent les grands propriétaires et non plus seulement comme aujourd’hui les locataires utiles qui ont consacré leur industrie à faire prospérer l’héritage, qui ne sont que les détenteurs temporaires des terrains sur lesquels ont été construits de grands quartiers. Ils prétendent en un mot mettre fin à une de ces anomalies qui se perpétuent dans la société anglaise, à une fiction féodale, à ce privilège des landlords recueillant, après une location séculaire, l’opulent bénéfice du travail accumulé sur leur propriété, sans participer aux charges communes, sans payer un penny. Voilà assurément de graves réformes qu’on ne réalisera pas en un jour, que l’esprit anglais saura bien atténuer et ramener aux proportions d’un progrès pratique. Le programme ne reste pas moins avec ses hardiesses. Le succès qu’il a eu à Londres est évidemment quelque chose de plus qu’une manifestation municipale, et il est bien difficile d’admettre que les électeurs qui viennent de peupler de réformateurs leur parlement local se désavouent le jour où ils auront à voter pour leur parlement national. Ils cèdent au courant, — et c’est justement ce qui fait de ces élections du conseil du comté de Londres un événement de mauvais augure pour les conservateurs, un présage encourageant pour les libéraux, à l’approche du grand scrutin qui décidera de la direction des affaires de l’Angleterre.

C’était, il y a peu de jours encore, une question de savoir quelles seraient les conséquences des élections récentes de la Hongrie et de la Roumanie pour les ministères qui dirigent les affaires des deux pays. En Hongrie, le ministère du comte Szapary, malgré quelques avantages apparens de scrutin, reste, à dire vrai, dans une situation difficile devant son parlement. — A Bucharest, c’est une autre affaire. Le ministère conservateur-junimiste qui compte dans ses rangs M. Lascar-Catargi, M. Carp, M. Lahovary, ce ministère roumain a eu une pleine et entière victoire dans les élections de la chambre des députés, comme dans les élections du sénat qui s’achèvent à peine. Vainement les libéraux survivans du parti de M. Bratiano, les libéraux plus modérés, amis de M. Vernesco, se sont alliés dans la lutte : ils n’ont pu échapper à une défaite, qui ressemble à une déroute. Le ministère a obtenu une majorité des trois quarts des voix. Il a dû son succès à la résolution avec laquelle il a mené cette campagne et un peu aussi, sans doute, aux moyens qu’il a su employer, devant lesquels aucun ministère roumain ne recule. C’est l’éternelle histoire de l’abus des influences ! Quelle est maintenant la signification, quel sera le résultat de cette victoire électorale ? La force du ministère roumain est évidemment tout entière dans l’alliance qui s’est formée entre les conservateurs ralliés autour de M. Catargi, et ceux qui d’un ancien nom de guerre s’appellent les « junimistes, » dont M. Carp est un des plus brillans représentans. Bien que les scissions soient toujours possibles dans les