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d’autrefois et la marine d’aujourd’hui, tantôt racontant les grandes actions des flottes françaises, tantôt s’attaquant aux guerres maritimes des Anglais avec les Collingwood et les Nelson ; puis remontant plus haut dans le passé, jusqu’à la marine des Grecs, des Romains, des Byzantins, des Espagnols, jusqu’à Actium ou à Lépante. Le brave amiral était inépuisable d’érudition ! Il se plaisait dans sa retraite à servir encore le pays par ses études, après l’avoir servi de son courage souriant dans l’action, — car il le disait, il l’a écrit, il aimait le courage gai. Il aimait ce courage chez les autres, il l’a toujours eu pour lui, comme il a eu toujours l’esprit net et vif. D’autres le remplaceront dans la carrière et lui succéderont à la tête de nos escadres. Avec lui disparaît l’attachante figure d’un homme qui, par la variété de ses dons, par son caractère comme par ses services, reste l’honneur de la France.

A suivre avec quelque attention dans leur marche, dans leur diversité les affaires du monde, on ne peut vraiment pas dire que la politique du temps soit simple et claire sur notre vieux continent ; elle n’en est pas là ! S’il y a des incohérences, des contradictions, des confusions en France, il y en a dans bien d’autres pays, du Nord au Midi, de l’Occident à l’Orient de l’Europe. Il y en a jusque dans les États Scandinaves, où une sorte de conflit constitutionnel, qui n’est pas sans gravité, est engagé entre la Norvège défendant son autonomie et la Suède ; il y en a en Belgique où cette singulière question de la révision constitutionnelle, au lieu de se simplifier, ne fait que se compliquer, divise les esprits, désorganise les vieux partis historiques et prend un caractère de plus en plus aigu. Il y en a surtout en Allemagne, où la politique, livrée à d’étranges oscillations, semble passer par une crise assez profonde, jusqu’ici assez confuse. On est sorti, il est vrai, de ces agitations qui, pendant quelques jours, ont troublé Berlin et ne laissent pas de rester un peu énigmatiques. Ces émeutes, — car ce sont bien des émeutes, où il y a eu des violences, des pillages et où l’empereur lui-même paraît n’avoir pas été toujours respecté, — ces désordres, désavoués par les chefs socialistes, ne sont peut-être qu’un accident ; ils peuvent être aussi le symptôme d’un état moral assez équivoque, aggravé et envenimé par les misères de l’hiver. Ils ont cédé dans tous les cas sous l’action un peu rude de la police. Les émeutes de Berlin sont finies pour le moment, elles ne sont plus qu’un souvenir assez maussade pour ceux qui se figuraient qu’il n’y a d’émeutes qu’à Paris ; mais il y a visiblement dans les affaires d’Allemagne quelque chose de plus, un phénomène plus sérieux, plus significatif. C’est ce qu’on pourrait appeler l’état d’esprit du souverain lui-même, livré à ses perplexités, cherchant sa voie et sa politique.

Ce nouveau règne allemand n’est pas encore bien long ; il est à peine à la quatrième année, et déjà Guillaume II a eu le temps de passer par les phases les plus diverses. Il a eu la phase de l’avènement, des