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époque de transition, sur le passage de l’ancien au nouveau culte, sur le spiritualisme désintéressé des derniers représentans du paganisme, champions d’un parti désormais condamné, les informations font malheureusement défaut dans le travail de Grégorovius, et il nous faut recourir au tableau qu’en a tracé M. Boissier dans son ouvrage, aussi vivant qu’érudit, sur la fin du paganisme. Le silence n’allait d’ailleurs pas tarder à se faire autour de l’université athénienne : après avoir maintenu sa réputation jusque vers la fin du Ve siècle, elle déclina rapidement. Un dernier triomphe était réservé à un de ses membres : en 421 l’empereur Théodose II épousa la fille du philosophe Léontius, la célèbre Athénaïs ou Eudoxie.

Au début, les monumens ne furent pas moins bien partagés que l’université. L’ouragan qui anéantit tant d’autres villes, l’invasion passa sur Athènes aussi bien que sur Rome sans guère laisser de traces. Les deux cités eurent en ceci une destinée commune : tandis que devant Rome l’apparition miraculeuse de saint Pierre et de saint Paul empêcha Attila de porter une main sacrilège sur la capitale du monde chrétien, devant Athènes, la légende nous montre Alaric s’arrêtant à la vue du héros Achille, debout au pied des remparts, et d’Athéna Promachos, marchant tout armée autour de l’enceinte. Le chef des Visigoths se contenta de pénétrer dans la cité avec une escorte et de frapper une contribution de guerre.

De même que le Panthéon de Rome, mais longtemps avant lui (avant l’année 362, d’après les recherches récentes de M. Strzyggowski), le Parthénon fut converti en église, et la vierge Marie y prit la place de la vierge Athéna. On constate ici une différence des plus tranchées entre les deux capitales : tandis qu’à Rome les chrétiens des premiers siècles évitaient autant que possible, ainsi que M. de Rossi l’a démontré, d’établir leurs sanctuaires dans des édifices contaminés, à leurs yeux, par la souillure indélébile du paganisme, à Athènes et dans l’Attique, la transformation des temples en églises a été la règle, ainsi qu’il résulte des recherches de M. Petit de Julleville.

On ne saurait trop insister sur ce point : Athènes garda ses œuvres d’art plus longtemps que n’importe quelle ville grecque. Au temps d’Alaric, elle possédait encore le colosse de bronze de Phidias, représentant Athéna Promachos, le Quadrige de l’Acropole, la Lionne de bronze élevée en l’honneur de Leœna, la maîtresse d’Aristogiton, le Cheval de Troie, le Persée de Myron, l’Artémise Leukophryné, l’Erechthée et l’Eumolpe du temple d’Athéna Polias, les statues de bronze des trois Tragiques, et bien d’autres chefs-d’œuvre. Il fallait que la cité eût bien peu souffert pour que la