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et la casaque jaune marquent encore du signe d’infamie plus d’un innocent, aussi digne de pitié que cet infortuné, dont la touchante histoire résume tous les crimes du passé. Arrière donc à ce préjugé qui condamne au mépris ceux qu’une justice souvent inique a condamnés au bagne ! La disgrâce qui a frappé ces pauvres gens ne vient-elle pas, en somme, de ce qu’ils ont secoué un joug, — celui des lois restrictives de l’indépendance individuelle, — de ce qu’ils ont protesté contre un assujettissement, fait acte d’hommes libres, en un mot ? .. Galériens attachés à la chaîne, soldats rivés à l’étroite et dure discipline du régiment : les uns aussi bien que les autres sont des victimes de l’ancien régime, des frères malheureux, opprimés, qu’il faut plaindre, qu’il faut aimer, qu’il faut aider à s’affranchir. Et c’est pourquoi le club, qui roue de coups les fidèles à la porte des églises pour se faire la main en attendant d’égorger les curés, se constitue protecteur en titre de la chiourme, lui rend visite, reçoit d’elle des adresses de remercîment. « Nous sommes pénétrés de ce que le club fait pour nous. Nous tâcherons de le mériter. Votre patriotisme ne pouvait se montrer avec plus d’éclat qu’en nous honorant de votre présence… Vous ne dédaignez pas les enfans des patriotes. Braves citoyens, que notre reconnaissance est vive ! Quelle nom excite à la vertu ! Nous vous supplions d’assurer les amis de la constitution que nous partageons la douleur des peuples dans ce moment et que la cimentation de la liberté de la nation remplit nos cœurs d’allégresse. Pour les forçats : Duplessy[1]. »


IV

Depuis que s’est constitué, à Toulon, cet « organe nouveau, supplémentaire et parasite qui, à côté des organes légaux, se

  1. Archives de Toulon. — Cette curieuse pièce n’est malheureusement pas datée. Il est probable qu’elle se rattache à une affaire d’avril 1790 qui nous est connue, grâce à une autre lettre adressée, le 28 de ce mois, par les forçats, à M. Richard, maire, dont il sera question plus loin.