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Le traité, composé de vingt-quatre articles au lieu de huit que contenaient les préliminaires, serrait pourtant de très près le texte primitif, auquel n’étaient ajoutés que quelques complémens et explications indispensables. Chose singulière, parmi ces additions qui pouvaient paraître nécessaires, il en est une qu’on devait s’attendre à y trouver et qu’on cherche pourtant vainement, c’est celle qui aurait dû constater la reconnaissance par la France du titre impérial de Marie-Thérèse et de la couronne décernée à François de Lorraine par la diète germanique. Non que la France n’eût fait à plusieurs reprises, pendant les négociations, l’offre de retirer par un acte formel la très vaine protestation qu’elle avait opposée à l’élection de Francfort. Mais Marie-Thérèse avait dédaigné de faire accueil et même de prêter l’oreille à cette satisfaction tardive, pensant probablement (comme le général Bonaparte devait le dire plus tard de la république française) que son droit était trop éclatant pour avoir besoin de la reconnaissance ou de la confirmation de personne. L’omission, pourtant singulière, passa, ce semble, complètement inaperçue. Ainsi de la prétention même qui avait motivé la première prise d’armes, — du dessein d’enlever à l’héritière orpheline de la maison d’Autriche la succession de Charlemagne et de Charles-Quint, — le souvenir même avait disparu ! Rien ne restait, dans aucun esprit, du rêve qui avait enflammé l’imagination de Belle-Isle, auquel Louis XV, par une violation éclatante de la foi jurée, n’avait pas craint de sacrifier l’honneur de la parole royale, et qui avait fini par troubler de tant d’angoisses les dernières veilles de Fleury. A voir même avec quel soin le nouveau traité rappelait et rétablissait, autant que la chose était possible, les moindres dispositions des conventions antérieures et s’efforçait de replacer l’Europe dans l’état où la guerre l’avait trouvée, il semble que ce fût cette guerre elle-même et toutes ses péripéties qu’on voulait effacer de la mémoire des peuples, pour ne la laisser figurer dans les annales de l’histoire que comme un sanglant intermède. Les seuls changemens, en définitive, qu’il eût fallu consacrer, c’étaient ceux qui étendaient la domination du roi de Sardaigne en Italie et du roi de Prusse en Allemagne, en sorte que tant de vies et d’or français n’avaient été sacrifiés que pour satisfaire l’ambition de la maison de Savoie et préparer la grandeur de l’électeur de Brandebourg. Je ne crois pas que la justice du sort ait jamais porté sur un acte aussi répréhensible qu’impolitique une condamnation plus éclatante.

Tout étant cependant connu devance, la publication officielle du traité n’apprit rien à personne et ne pouvait causer aucune émotion. Ce ne fut ni la joie du premier jour, ni la déception qui avait suivi. Une disposition assez étrange donna même un instant quelque