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L’expédition aussitôt faite par Tercier ne rejoignit pourtant pas Saint-Séverin à Compiègne, où on ne le garda que quelques jours. Mais il est certain qu’il n’aurait kit aucun effort pour obtenir la permission de mettre sa signature, au bas, d’un acte pareil à celui que Kaunitz essayait de tirer de lui. Outre qu’il n’avait certainement nulle envie lui-même de laisser une pièce d’une nature si compromettante entre les mains d’un confident qui avait tout intérêt à en user sans discrétion, une fois à Compiègne, il n’avait pas été longtemps à reconnaître qu’une telle proposition ne trouverait aucun accueil pas plus auprès du roi que du ministre. L’un et l’autre, préoccupés avant tout de mener à fin une conclusion qui n’avait que trop tardé à leur gré, écartaient tout ce qui pouvait ouvrir la porte à de nouveaux débats. C’est le propre des caractères irrésolus, une fois que les circonstances les ont obligés à prendre un parti, de repousser avec une sorte d’effroi tout ce qui pourrait les replonger dans les difficultés dont ils sont sortis. Puisieulx, en particulier, informé par le ministre saxon, le comte de Loos, du dépit qu’éprouvait l’Autriche et des expédiens auxquels elle essayait de se rattacher dans sa détresse, avait déjà refusé absolument de donner à ces espérances un mot d’encouragement : « M. de Kaunitz, écrivait-il dès le 21 mai, a écrit une lettre très forte au comte de Loos, ce dernier est venu exprès ici pour m’en faire la lecture. Elle porte que le roi doit être satisfait des coups qu’il a portés depuis quinze ans à la maison d’Autriche. Sa Majesté est trop généreuse pour la réduire au point de se trouver peut-être par la suite obligée de la relever. Cette lettre est remplie d’aigreur contre l’Angleterre et contre le roi de Sardaigne… Le comte de Loos m’a dit encore que la reine de Hongrie souhaiterait qu’on la laissât agir contre. le roi de Sardaigne en Italie pour reprendre tout ce qui avait été cédé par le traité de Worms et qu’alors maîtresse de tous les États qui devaient former l’établissement de l’infant, elle les remettrait dans la main de Sa Majesté… et cet ambassadeur m’a prié d’aider la cour de Vienne de mes conseils dans une circonstance si critique. J’ai reçu cette déférence avec la modestie qui me convenait. Je lui ai répondu que, me mettant pour un moment à la place de la cour de Vienne, je sentais toute l’amertume de la situation où elle se trouvait par sa faute, que je croyais qu’elle n’avait rien de mieux à faire pour le présent que de ne montrer aucune aigreur à ses alliés, d’accéder aux préliminaires et d’attendre de l’adoucissement du temps et des circonstances. Je lui ai déclaré que le roi ne ferait rien sans le concours de l’Angleterre tant sur ce qui avait rapport à l’Italie que sur les autres articles des préliminaires… Il me paraît, ajoutait-il, que la cour de Vienne est convaincue que l’Angleterre cherchera désormais l’alliance du roi de Prusse de