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qu’il livre les intérêts de son Église, qu’il souscrive à des lois qui froissent tous les instincts libéraux au moins autant que la foi religieuse ; mais c’est certes la première fois qu’un pape tient le langage d’un grand politique, parlant avec la libérale modération d’un pacificateur, donnant à la république une sorte de sanction, assez nouvelle, conseillant aux catholiques d’entrer librement, sans subterfuge, dans le régime légal de leur pays. De sorte que tout se relève à la fois contre une politique de guerre religieuse, et l’instinct même d’une chambre qui recule devant les violences, et le sentiment du pays, et l’esprit de conciliation qui pénètre par degrés dans l’Église.

Que demande-t-on d’ailleurs à un gouvernement chargé de conduire les affaires d’un grand pays comme la France ? Est-ce qu’on veut qu’il reste désarmé contre ce qu’on appelle les empiétemens cléricaux, qu’il livre la société civile, qu’il abdique les droits de l’État ? Mais il ne fait, en sauvegardant, en maintenant ces droits, que suivre les traditions de tous les gouvernemens. Tout ce qu’on lui demande, c’est d’être un pouvoir éclairé, mettant le libéralisme dans ses lois, sachant respecter les mœurs, les croyances, les cultes traditionnels, traitant les affaires religieuses en représentant supérieur et impartial de l’esprit civil, non en ennemi. En un mot, après cette dernière crise encore plus peut-être qu’avant, toute la question est entre une république d’équité, de tolérance libérale, et la république des exclusions, des fanatismes de secte, de la guerre aux évêques ou aux sœurs de charité : c’est au ministère nouveau de faire son choix s’il le peut, d’inaugurer son étape en sacrifiant un peu moins à la concentration radicale, en s’occupant un peu plus des intérêts de la France, de sa paix morale comme de sa position dans le monde.

C’est la saison des parlemens ouverts maintenant un peu partout, et dans tous ces parlemens vieux ou nouveaux, les affaires extérieures ont pour l’instant moins de place que les affaires intérieures. On laisse volontiers sommeiller les questions générales, européennes, qu’un incident imprévu peut, d’ailleurs, toujours réveiller. On s’occupe surtout de la loi scolaire et du régime disciplinaire de l’armée en Prusse, — sans parler des discours mystiques de l’empereur Guillaume et des émeutes qui viennent d’envahir Berlin ; on s’occupe de la révision constitutionnelle à Bruxelles, des troubles économiques et des négociations commerciales à Rome, des dernières échauffourées anarchistes à. Madrid, de la position des ministères après les élections récentes à Buda-Pesth et à Bucharest. Ce sont les affaires du jour. Le parlement anglais lui-même, qui vient d’être rouvert par un discours assez placide et peu significatif de la reine, ne paraît pas bien disposé à se jeter dans les grandes discussions de politique extérieure.

A la vérité, dès les premiers débats de l’adresse, la question d’Egypte, qui ne laisse pas d’avoir un caractère européen, a fait une