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ces trois chemins, ces trois rayons du secteur sont coupés par des ouvrages de campagne, flèches ou redans répartis sur la circonférence, soutenus par un ou deux rangs d’assez fortes barricades. Ces défenses, improvisées trois semaines plus tôt pour arrêter les déprédations des Lorrains, ont été conservées par miracle. M. le Prince va s’en saisir ; ce sera le front de combat. La définition de la figure suffit à taire comprendre quel parti un général à la tête claire put tirer de ces trois artères sortant d’un même sommet, garnies d’obstacles, réunies par des communications transversales ; quelle facilité il trouva pour remuer, déplacer ses troupes, et compenser la très grande infériorité du nombre (cinq à six mille contre douze mille) ; tandis que l’assaillant, forcé de répartir ses attaques sur un très grand front, en des points très distans, ne pouvait modifier la distribution de ses troupes que par une série de manœuvres assez longues.

À la gauche, la tête du chemin de Charonne sera défendue par Valon, lieutenant-général du duc d’Orléans, avec ses deux meilleurs régimens, « l’Altesse » et « Languedoc. « Il se porte auprès du carrefour de la Croix-Faubin, afin de rester maître de la traverse, rétablit les barricades, garnit les maisons assez hautes en cet endroit, perce des meurtrières, ouvre des communications, etc. — Dans les vieux corps, officiers et soldats n’étaient pas novices à ce métier ; les sièges les avaient formés ; toute l’infanterie des Princes était pourvue d’outils[1]. — Les fractions des régimens seront engagées successivement par petits groupes, tous reliés et soutenus. Quelques pelotons de cavalerie, masqués dans les enclos, assisteront l’infanterie dans un mouvement offensif ou dans une retraite un peu pressée. Ces dispositions sont prescrites par des instructions générales et appliquées sur toute la ligne.

Le régiment de « Valois » est dans les jardins entre le chemin de Charonne et le cours de Vincennes, qui est défendu par Clin-champ avec ce qui reste du contingent des Pays-Bas et deux régimens de M. le Prince, « Condé » et « Langeron. » Il tient la

  1. Impossible de vérifier d’où venaient les outils. Tavannes dit qu’il en fit distribuer à ses cavaliers pendant l’action. Il est vraisemblable qu’il y avait des voitures d’outils et que la distribution se fit avant le combat. Il est certain que dès le début l’infanterie des Princes marchait en quelque sorte à la sape à côté des rues, et que les grandes maisons de la rue de Charonne étaient déjà crénelées et percées de meurtrières au moment de la charge de Saint-Maigrin. Dans le combat de la rue de Charenton, les cavaliers de Tavannes mirent pied à terre et se servirent de pioches pour ouvrir des communications, percer des meurtrières et même faire tomber des murs. L’armée royale n’était pas pourvue ; le manque d’outils fut une des causes de son infériorité dans le combat et du mauvais succès de ses attaques. Turenne l’avait prévu. (Voir les Mémoires du duc d’York.)