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scolaire qu’il réclamait, qu’il a longtemps réclamée en vain. Voilà qui peut prêter aux réflexions et aux boutades du grand et morose éclipsé de Friedrichsruhe !

Comme l’Allemagne, l’Autriche a sans doute pour sa part ses conflits religieux : elle a surtout ses conflits de nationalités qu’elle travaille perpétuellement à apaiser sans trop y réussir. C’est son destin, elle a la vie la plus compliquée du monde avec toutes ses races qu’il s’agit de faire marcher ensemble en leur laissant le culte de leurs traditions, l’indépendance de leur vie locale et de leurs intérêts, sans compromettre l’intégrité et la puissance de l’empire. Le comte Taaffe s’y emploie certes merveilleusement, avec la plus singulière dextérité dans la partie de l’empire austro-hongrois qu’il est chargé de gouverner. Depuis douze ans, avec la faveur persévérante de l’empereur François-Joseph, il met tout ce qu’il a de souplesse à chercher, à combiner une majorité toujours fuyante, négociant tour à tour avec tous les partis, — conservateurs, libéraux, centralistes allemands, tchèques, polonais, ruthènes, — passant des uns aux autres, d’un système à l’autre, du germanisme à la politique des nationalités. C’est un prodige perpétuel de dextérité dans le maniement des partis et des hommes. Le comte Taafle n’a point réussi avec le compromis qu’il a essayé en Bohême, qui n’a eu d’autre effet que de lui faire perdre dans le parlement l’appui des vieux Tchèques, ses plus fidèles alliés ; qu’à cela ne tienne, il s’est tourné vers les Allemands, sans trop se livrer encore cependant, et ces négociations ne sont pas vraiment sans prendre quelquefois une légère teinte de comédie. L’habile premier ministre viennois s’est flatté tout récemment de se délivrer d’un adversaire dangereux et de désarmer tout au moins les Allemands, en offrant à un de leurs chefs, à M. de Plener, une position éminente, le poste de président de la cour des comptes de l’empire. M. de Plener, à ce qu’il semble, aurait été tenté d’accepter, il n’a pas nié les négociations ; mais aussitôt on s’est ému dans le camp allemand à la pensée de perdre un des chefs les plus brillans et les plus accrédités du parti. M. de Plener a été circonvenu, pressé, presque sommé de ne pas abandonner ses amis, et il n’a plus osé accepter l’offre séduisante qui lui avait été faite : il reste au parlement ! Le comte Taaffe en est pour sa diplomatie, et il ne peut trop compter sur l’appui des Allemands, à moins qu’il ne se décide à des concessions nouvelles qui ruineraient son système d’équilibre dans le Reichsrath. Il n’est pas plus avancé ; il est réduit à chercher d’un autre côté, et tandis que, sans se déconcerter, il poursuit cette œuvre de patience, voici dans une autre partie de l’empire, en Hongrie, des élections, qui n’affectent peut-être pas directement la politique viennoise, qui ont néanmoins leur importance et leur place dans les affaires autrichiennes.

Évidemment le ministère du comte Szapary, qui a succédé au