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Rien que cet « Obscur, » tombé de ces lèvres sensuelles et fleuries, a paru charmant, comme s’il enfermait dans un sourire la surprise et le doute de l’âme antique devant le scandale de la croix, l’aveu même des ténèbres au sein desquelles a brillé la lumière, et qui ne l’ont pas comprise.

L’interrogatoire se poursuit :

GAYHAS.


Ainsi donc, méprisant l’édit de l’empereur,
Vous reniez nos Dieux ?

CÉCILE.


Vos Dieux me font horreur.

GAYHAS.


Ayez dans vos propos un peu de retenue.
La nature des Dieux sans doute est mal connue.
Tourmentés par un vain désir de tout savoir,
Nous suons sang et eau pour les bien concevoir.
…………..
Donc, en métaphysique,
Le plus subtil rêveur est un pauvre benêt,
Et nous ignorerons toujours ce qu’il en est,
Si toutefois, princesse, il en est quelque chose.
Nul système ne vaut le parfum d’une rose.


Voilà des vers, les deux derniers surtout, que ne désavouerait peut-être pas le maître de l’exégèse et du sourire, le « prince des ironiques. » Après le doute aimable voici l’enthousiasme lyrique.


<poem> Attendez quelque peu. Voyons, tenez-vous bien au pitoyable Dieu Nommé Christ ou Jésus ? Chimère pour chimère, Est-il rien de pareil aux Immortels d’Homère, Qui, sortant du chaos et soumis au destin, Font de l’éternité bienheureuse un festin ? Ils enseignent la joie, ô vierge, et l’indulgence. Pour les biens répandus sur notre infime engeance, Tous ont droit aux vapeurs de l’encens syrien… Tenez, retournez-vous. Non ? Vous n’en ferez rien ? Soit ; mais vous avez tort. Ce Dieu qui vous indigne A dans ses beaux cheveux le doux fruit de la vigne ; Plein de grâce, il médite une folle chanson, Et l’on ne sait pas trop s’il est fille ou garçon.