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tué en 1525 à la bataille de Pavie. Sa veuve se remaria à Philippe de Bourbon, seigneur de Busset, fils aîné de Pierre de Bourbon. Loïse fit élever à sa mère un mausolée magnifique dans la chapelle de La Motte-Feuilly. Des huguenots iconoclastes vinrent, en 1562, décapiter la statue de Charlotte qui le surmontait et briser, sur les dalles de la chapelle, les piliers de marbre aux fines ciselures, les médaillons en relief dont il était décoré. Dans la sacristie de l’église de La Motte-Feuilly se trouvent encore des débris du mausolée et de la statue. Par l’effet des siècles, l’albâtre du tombeau et des médaillons a pris une admirable teinte rosée, et c’est à peine si une patine légèrement dorée en ternit la transparence. La statue a été réellement décapitée ; le visage est broyé par des coups de marteau, et la couronne ducale a perdu presque tous ses fleurons. L’ensemble des débris n’en reste pas moins empreint d’une grande majesté : la duchesse avec ses cheveux tressés qui encadrent son visage meurtri, ses mains fort belles et pieusement jointes, son manteau de cour, sa robe traînante serrée à la taille par la longue ceinture que portaient les nobles dames de son temps, semble attendre l’heure d’une réparation.

L’ancienne châtellenie de La Motte-Feuilly s’est transformée, de nos jours, en une modeste commune de 126 habitans. On arrive au manoir par un sentier plein d’ombre, émaillé de pâquerettes, et, dès le premier coup d’œil jeté sur le vieil édifice, on se sent transporté dans le passé. La porte d’entrée a gardé ses vieux mâchicoulis, mais elle a perdu son pont-levis, deux grosses tours et une enceinte crénelée. Les fossés ont été en partie comblés : l’eau qui les remplissait coule maintenant, peuplée de cygnes et de sarcelles, dans un parc feuillu et touffu. Le château et ses dépendances sont relativement modernes, et ils passeraient inaperçus s’ils n’étaient accolés au plus aristocratique des donjons, ainsi qu’à deux lourds et très anciens piliers se terminant en arcades. Ces piliers massifs supportent un oratoire de style gothique où les premières châtelaines de La Motte-Feuilly durent s’agenouiller, car dès le XIIIe siècle il est question, dans les chroniques berrichonnes, d’un seigneur de ce nom. Combien de fois, dans les derniers jours de sa courte existence, la veuve de César Borgia, sortant de son appartement par la petite porte hérissée de clous que l’on voit encore, a dû prier devant l’autel de cet oratoire !

L’extérieur du donjon a gardé son ancien hourdis avec sa charpente et ses planches verticales. Intérieurement, il est admirablement conservé. A peine si les gradins de pierre de l’escalier portent trace d’usage. Au premier comme au second étage, deux chambres sont prêtes à habiter ; elles ont leurs cheminées à manteau élevé, mais