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université dans la capitale de son duché. Louis XI y consentit, non pour être agréable à ce frère, dont il soupçonnait les intrigues futures, mais parce qu’il lui convenait mieux de tenir dispersée un peu partout la jeunesse studieuse que de la tenir concentrée à Paris. Elle était fort turbulente, frondeuse, cette jeunesse, et c’était une excellente politique que de l’affaiblir. Déjà on reconnaissait que ce n’est pas impunément qu’on laisse à une minorité factieuse l’habitude de troubler une grande ville.

La guerre dite du « Bien Public » et les insolentes prétentions du duc de Bourgogne obligèrent Louis XI à lever de lourds impôts dans tout le royaume et notamment en Berry. Bourges se souleva, mais mal lui en prit, car la répression fut terrible. Le roi y dévoila sa cruauté dans cet ordre adressé de Senlis aux commissaires royaux qui devaient informer et faire prompte justice en Berry : « Faites prendre au corps, mande-t-il, quelque part que trouvez pourront être, en lieu saint ou dehors, tous ceux qui seront coupables ou seulement soupçonnés d’avoir pris part à l’émeute, même ceux qui s’en sont aperceuz ou peu vraisemblablement apercevoir, ceux qui auront murmuré ! .. » Croyant que l’archevêque de Bourges avait été de la révolte, il ajoute : « Et avec ce, prenez, saisissez ou faites prendre, saisir et mettre en notre main tous les biens-immeubles et temporels de l’archevêque. » Sa dévotion à Notre-Dame d’Embrun ne le dominait pas au point de faire fi des richesses ecclésiastiques. Un nombre considérable d’émeutiers furent exécutés, et leurs cadavres restèrent pendant un jour exposés au seuil de leurs maisons. Chose plus grave, Louis XI supprima toutes les anciennes libertés municipales : élection de syndics ou échevins, « droit de faire faire les œuvres de fortifications, emparement et autres choses touchant la défense et les biens de la ville. » Se substituant aux votes des habitans, il nomma lui-même le maire de Bourges et douze échevins qui pouvaient être révoqués, selon son bon plaisir, et il résolut d’anoblir tous ceux qui, par la suite, devinrent maires ou conseillers municipaux. Son idée était d’amoindrir la noblesse d’épée en prodiguant les titres d’une noblesse dite par raillerie « noblesse » de la cloche, sans doute parce que maires et échevins étaient convoqués à la maison de ville au son du beffroi. Ducros raconte ce fait plaisant. Un marchand, nommé Maîtrejean, séduit par les bontés de Louis XI qui le faisait manger souvent à sa table, s’avisa de lui demander des lettres de noblesse ; ce prince les lui accorda, mais lorsque le nouveau noble parut devant lui, il affecta de ne pas le regarder.

Qu’arriva-t-il encore ? C’est que les fonctionnaires municipaux, choisis entre les plus riches manufacturiers, crurent déroger, dès