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que les autres provinces de France n’avaient pas, comme lui, terre de féodalité par excellence, un aussi grand nombre de seigneuries et de petites souverainetés.

Philippe V ou le Long, qui, le premier des princes du sang, avait eu pour apanage le titre de comte palatin de Bourges, succéda à son frère, et, c’est de la ville de Bourges qu’il signa presque toutes ses ordonnances. L’une d’elles prouve que les aménités échangées encore de nos jours entre avocats, et les railleries dont ils criblent leurs adversaires sous le couvert de leur robe noire, ne datent pas d’hier. Un article sur la police des audiences dit ceci : « Que cil qui tendront le parlement ne souffrent pas eux vitupérer par outrageuses paroles des avocats et des parties, car l’honneur du roy de qui ils représentent la personne tenant le parlement ne le doit mie souffrir… » L’article qui précède celui-ci n’est pas moins instructif sur les coutumes des anciens membres du parlement. — « Que cil qui tendront le parlement ne beuvent ne ne mangent avec les parties qui ont à faire par-devant eux, ne avec les avocats : car l’on dit pieça que trop grande familiarité engendre grand mal. »


VII. — LE DUC DE BERRY, JEAN. — DU GUESCLIN A SAINTE-SÉVÈRE.

Avec Charles le Bel s’éteignit la première branche des Capétiens, et, avec l’avènement de Philippe le Valois, commença une ère de calamité pour la France et le Berry. C’est d’abord, en 1346, la bataille de Crécy, où les Anglais décimèrent la noblesse française, comme elle avait été décimée à Courtray, en 1302, à la Journée des Éperons, par les Flamands. A Crécy, périt le noble comte de Sancerre, Louis II ; « il succomba, dit Froissart, au milieu de ces vaillans hommes et bons chevaliers qui, pour leur honneur, chevauchoient toujours en avant et avoient plus cher à mourir que fuite vilaine leur fut reprochée. » Jean de Luxembourg, roi de Bohême, seigneur de Mehun-sur-Yèvre en Berry, quoique vieux et aveugle, ordonna à ses chevaliers d’attacher leurs chevaux au sien : ils se lancèrent dans la mêlée, et, raconte encore le chroniqueur déjà cité, « on les retrouva gisant autour de leur maître et leurs chevaux alloiés ensemble. » La peste, celle qui sévissait alors à Florence, fit aussi de grands ravages en Berry. Puis, un incendie terrible qui éclata en 1353, à Bourges, détruisit la plus grande partie de cette ville, n’épargnant que la basilique de Saint-Étienne et l’archevêché.