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pendant laquelle aucun duel n’était permis, modifièrent quelque peu les coutumes chères à la féodalité. « Ce fut, dit le sire de Joinville, en parlant de son roi, l’homme qui plus se travailla de pais entre ses soujets, et espécialement entre les riches homes voisins et les princes du royaume. »

Sous Philippe le Hardi et Philippe le Bel, rien de remarquable pour le Berry, sauf la confiscation des propriétés nombreuses que les Templiers possédaient, et une violente persécution contre les Juifs. Philippe le Bel dépouillait tous ceux qui avaient quelque fortune, et cela, avec une cupidité sans vergogne. « C’est un despote égoïste, a dit de lui M. Guizot, qui règne pour lui seul et ne demande au pouvoir que l’accomplissement de sa volonté. » La remarquable étude de M. Ch.-V. Langlois sur le procès des Templiers, procès auquel prirent part plusieurs membres du clergé de Bourges, prouve surabondamment combien cet ordre, vivant ou mort, fut victime des préjugés et de la mauvaise foi de ses ennemis[1]. Dans la tour d’Issoudun furent emprisonnés des juifs qui refusèrent de rendre gorge quand on les engagea de le faire. Sur l’une des parois de la fenêtre du deuxième étage, au midi, on lit encore ces mots profondément gravés dans la pierre : Deux frères sont en prison, Isaac et Hayem. Puissent-ils vivre toujours ! Que Dieu leur soit en aide ! Qu’il les fasse sortir des ténèbres à la lumière et de la servitude à la liberté ! Amen ! amen ! selat ! Ils sont venus le troisième jour de la Parecha Vaëhi, l’an 64 du petit comput. Cette date correspond à l’hiver de l’année 1304.

Avec Louis X le Hutin, la féodalité berrichonne s’efforça de reconquérir son indépendance des premiers jours, et, en effet, elle parvint à rétablir le jugement de ses querelles par ses égaux, et la liberté de batailler tant que bon lui semblerait. Ce roi, pendant un règne des plus courts et des plus mal remplis, 1314-1316, — voulut défendre à ses barons de frapper monnaie, mais sans y réussir. Son père Philippe avait tellement altéré la sienne, que personne ne voulait de l’argent royal. Louis X finit par ordonner que, seuls, trente barons de son royaume auraient ce privilège. Voici les noms des seigneurs du Berry qui obtinrent cette haute faveur : le comte de Sancerre, le seigneur de Charenton, le vicomte de Brosse, les seigneurs d’Huriel, de Vierzon, de Châteauroux, de Château-Meillant et de Mehun. La ville d’Issoudun, qui, pendant très longtemps, avait fourni des pièces au type local et à l’effigie de Richard Cœur-de-Lion, ne fut plus autorisée à jouir de ce privilège. Si le Berry fut à ce point de vue des mieux partagés, c’est parce

  1. Voyez la Revue du 15 janvier 1891.