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spécialement destiné aux condamnés à la peine capitale. Quatre mètres de long, deux de large, voilà l’espace où il se meut, sous la surveillance d’un gardien qui ne le quitte pas de la journée. Sa nourriture est celle d’un prisonnier ordinaire : trois repas, de la viande à de rares intervalles ; aucune douceur supplémentaire, ni tabac, ni vin. Le soir, on le transfère dans une pièce voisine toute semblable, mais pourvue d’une couchette en planches, très basse, et où il étend lui-même son matelas et ses couvertures. Là non plus il n’est pas seul. D’ailleurs, il lui sera loisible de recevoir des visites, mais quelles précautions méticuleuses ne prendra-t-on pas pour rendre aussi banale, aussi insignifiante que possible, l’effusion dernière du misérable ! On le conduira dans une sorte de loge, garnie de redoutables barreaux, d’où il ne pourra parler qu’à distance aux créatures compatissantes qui s’intéressent toujours à lui. L’étranger lui-même, ému, presque effrayé de l’apparence des lieux, frissonnant au bruit des clés qui tournent, mal à l’aise sous ces voûtes silencieuses, n’apercevra que de loin l’ancien ami qui va mourir. Un grillage à claire-voie, s’il permet aux yeux de se contempler encore, empêchera du moins les mains de se tendre et de se serrer. L’entretien sera court, et la séparation d’autant plus cruelle que les jours du malheureux touchent à leur terme. On a pris soin de l’informer à l’avance de l’époque précise où justice serait faite. Entre l’arrêt et l’exécution, il n’a droit qu’à trois dimanches, three clear Sundays. Si le jugement est intervenu un lundi, — et c’est le cas en ce qui concerne Conway, — tant mieux pour lui, son existence se prolongera d’une semaine. Mais si la cour s’est prononcée un samedi, il pourra être livré au bourreau à l’expiration du quinzième jour. De toute manière, il ne sera pas laissé dans l’ignorance de la date funèbre. Est-ce barbarie ou humanité ? Faut-il voir, dans cette notification au condamné de l’heure fixe où il aura fini de vivre, miséricorde ou désir calculé de redoubler ses tortures ? Peut-être plus d’une âme farouche préférerait-elle qu’on lui épargnât les angoisses de l’incertitude. On a vu des individus faire preuve, au moment suprême, d’une indifférence méprisante pour leur destinée. A ceux-là, l’attente, la solitude, les soubresauts de la pensée avaient été sans doute plus insupportables que le reste. N’importe, il y a quelque chose d’implacable dans cet avertissement réfléchi que la mort est proche. Oh ! la possibilité terrifiante de compter les minutes après lesquelles le cœur cessera débattre, l’intelligence de se souvenir et de rayonner !

Cependant Conway ne tarissait pas en protestations d’innocence. Tout de suite, il faisait parvenir à Londres, au home secretary, une demande de commutation. Pouvait-on refuser sa grâce à un vieux