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l’arrestation. En quelques mots, un inspecteur raconte les faits, rappelle les perquisitions à l’immeuble, les traces de sang et comment Conway fut reconnu par le cocher et la revendeuse. On entend une courte déposition du père de la victime, après quoi le magistrate, suffisamment éclairé, rend sa sentence. Le prévenu est ajourné à huitaine (remanded) et son avocat ne s’y oppose pas. Dans une semaine, et par-devant ce même juge, un grand débat s’ouvrira, non plus cette fois en vue de régulariser l’incarcération, — c’est déjà fait, — mais pour aller au fond de l’affaire, écouter les témoins et l’inculpé en ses observations, s’il désire en présenter, et prononcer s’il doit être mis en liberté ou renvoyé aux assises.

Retournons maintenant en arrière. En vertu de ce que le droit public anglais qualifie de concurrent jurisdiction, une autre cour judiciaire, celle du coroner, avait émis un avis sur la cause, portes ouvertes, avec l’assistance d’un jury, le même jour que le tribunal dont nous venons d’exposer la composition et le rôle, parallèlement pour ainsi dire. Il s’agissait de procéder à une enquête sur les faits ayant amené la mort de l’enfant et de déclarer gravement que le décès n’était pas dû à l’ordre naturel des choses. Tout de suite, dans la salle réservée à la police aux audiences de ce genre, le jury s’assemble et le coroner monte au fauteuil. Il y a un coroner pour le comté, il y en a un aussi pour chaque borough et ville importante. Ce fonctionnaire siège en habits de ville et n’a quelquefois du magistrat que le nom, car les municipalités appellent fréquemment à ce genre d’emploi des hommes qui n’ont aucunes connaissances juridiques, qui ne sont pas des lawyers, mais de simples particuliers, des médecins, par exemple. On estime que cette dernière profession, loin d’être incompatible avec leur charge, les met, au contraire, en mesure d’en exercer les devoirs avec compétence et utilité. Déterminer la cause du décès dans tous les cas extraordinaires, meurtre, accidens, épidémies, exécution capitale, recueillir le témoignage de ceux qui ont été mêlés de près ou de loin à l’existence du défunt, provoquer du jury qui l’entoure un verdict clair et sans appel, telle est la besogne principale de cet officier judiciaire, et elle s’explique parfaitement. Ce qui semble moins compréhensible, c’est que la cour qu’il préside possède également le droit, s’il y a eu assassinat, de déclarer quel en est l’auteur. Si le lecteur veut bien nous suivre, nous allons voir comment les choses se passent. Rapidement, les douze jurés et les deux jurés supplémentaires choisissent leur chef (foreman), puis ils prêtent serment sur la Bible. « Messieurs, leur dit alors le coroner, il est indispensable que vous vous rendiez à la Morgue pour y examiner le corps de l’enfant, puisque vous aurez à faire