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au jeune Martin. Selon l’usage, l’inspecteur ajouta qu’il lui conseillait de ne pas répondre, son silence ne serait nullement regardé comme un aveu. Il n’avait pas à démontrer son innocence, c’était à la poursuite de prouver les faits allégués par elle. Il écouta, réfléchit un instant, puis laissa simplement tomber ces mots : « Je ne suis pas coupable. »


II

Les premières formalités commencèrent. La police avait jugé la capture bonne, mais elle ne pouvait retenir l’homme en prison sans décision conforme de l’autorité judiciaire. Dès le lendemain, Gonway comparaissait à la police court, sorte de juridiction correctionnelle à laquelle sont déférés, en premier lieu, les individus prévenus d’un délit ou même d’un crime. Dans les grandes villes, ce tribunal est ordinairement présidé par le stipendiary magistrate, fonctionnaire nommé par le pouvoir exécutif, mais rétribué sur les fonds municipaux. Il a des suppléans, car il ne pourrait en aucune façon expédier à lui seul les innombrables affaires dont il est chargé. Il est, au besoin, remplacé par l’un des justices of peace (commissaires de paix), magistrats laïques, c’est-à-dire négocians, propriétaires ou banquiers, qui tiennent du lord-lieutenant du comté l’office, très envié, dont ils sont investis. Quel qu’il soit, le président siège sans assesseurs et sans jury. Si la cause qui lui est soumise est de sa compétence, il l’examine et la juge, sinon il refuse ou autorise la mise en liberté sous caution et renvoie l’accusé aux quarter sessions[1], ou aux assises. Dès que l’affaire Conway est appelée, — elle est assez importante pour que le juge l’ait kit passer avant les délits sans gravité de ce matin-là, — on va chercher l’accusé. Lentement, par un escalier émergeant du sous-sol où est située sa cellule, il monte, arrive à une plateforme circulaire bordée d’une rampe et placée au centre de la salle, écoute les charges qui pèsent sur lui. Voici le prosecuting solicitor qui a reçu de la police le soin de développer des conclusions tendant au maintien du prisonnier sous les verrous. Pour le moment, il n’est question que d’obtenir du tribunal le mandat d’emprisonnement, et pour que le président puisse le signer en toute conscience, il est nécessaire qu’on fasse rapidement passer sous ses yeux les principaux événemens qui ont motivé

  1. Les quarter sessions ne sont ordinairement saisies que de crimes relativement véniels, ne comportant pas l’application de peines rigoureuses.