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trouvé la preuve du contraire. Comment voulez-vous croire à des gens qui se donnent mutuellement dispense pour mentir ? » Avec la Restauration, leur influence, sans se. démasquer, avait grandi. C’est un jésuite, le Père Ronsin, qui avait créé la Congrégation, société de jeunes gens, à la fois religieuse et politique, où le ministère de Villèle avait puisé une bonne partie de son personnel gouvernemental et administratif. A la guerre à l’Université avait répondu la guerre aux jésuites. Comme dernier épisode, un magistrat janséniste, de souche auvergnate comme Pascal, M. de Montlosier, venait de démontrer que contre eux les lois étaient toujours vivantes ; saisie par lui, la cour de Paris avait conclu dans le même sens. Le gouvernement ainsi mis en demeure se décida à agir. Il ordonna que huit écoles secondaires « dirigées par des personnes appartenant à une congrégation non autorisée » seraient désormais soumises au régime de l’Université et que « nul ne pourrait être ou demeurer chargé soit de la direction, soit de l’enseignement dans une des maisons dépendantes de l’Université, ou dans une des écoles secondaires ecclésiastiques, s’il n’a affirmé par écrit qu’il n’appartient à aucune congrégation religieuse non légalement établie en France. »

A côté de ces mesures qui, suivant le mot de M. de Vatimesnil, « faisaient rentrer l’instruction publique dans l’ordre légal, » on se contenta dans le haut enseignement de mesures moins caractérisées et qui n’étaient qu’à demi réparatrices. M. de Frayssinous avait supprimé l’École normale. On pouvait croire que M. de Vatimesnil la rétablirait. Il n’en fut rien. Il se borna à détacher l’École préparatoire du collège Louis-le-Grand auquel on l’avait incorporée, à l’établir en son particulier dans les bâtimens voisins du collège du Plessis et à lui donner un directeur d’études. M. de Frayssinous avait biffé du programme de la Faculté de droit ce bel ensemble des sciences politiques et administratives qu’y avait inscrit Royer-Collard. M. de Vatimesnil n’en rétablit que des fragmens, le droit administratif, le droit des gens, l’histoire du droit romain et du droit français.

Envers les personnes, plus complète et plus éclatante fut la réparation. Depuis sept ans, la chaire de philosophie était silencieuse à la Sorbonne, et dans la chaire d’histoire, au lieu de Guizot, on n’entendait que M. Durozoir. La parole fut rendue à Cousin et à Guizot. Immédiatement leurs chaires et, à côté d’elles, celle de Villemain, devinrent des « tribunes retentissantes, le mot est de Mignet, du haut desquelles les trois professeurs de la Sorbonne parlèrent à toute la France. »

Moment unique dans l’histoire de notre enseignement supérieur au XIXe siècle, que cette magistrature intellectuelle de trois