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et à l’autorité paternelle aussi bien qu’à la Charte et aux lois du royaume, de l’alliance des principes monarchiques et des libertés nationales, et des « mesures sages et fortes qui avaient mieux consacré les libertés de l’église gallicane. » Ce fut plus clair encore aux actes du gouvernement.

En créant l’Université, Napoléon y avait compris les petits séminaires. En 1814, on les en avait fait sortir, mais en spécifiant nettement qu’ils ne devaient servir qu’à recruter le clergé. Petit à petit ils étaient devenus des écoles tout comme les autres, à cela près qu’elles échappaient à toute action de l’État, et de leurs élèves, le plus petit nombre seulement se destinait au sacerdoce. La tactique avait été double : infiltrer l’Université par le clergé, et laisser fuir vers les écoles du clergé la clientèle de l’Université. La fuite avait été rapide, car, en 1828, les écoles secondaires ecclésiastiques domptaient plus de 50,000 élèves, contre 35,000 dans les collèges royaux et communaux et 28,000 dans les pensions et institutions relevant de l’Université. Des pétitions avaient signalé aux Chambres la situation illégale des petits séminaires[1]. Le gouvernement résolut d’y mettre terme. Une ordonnance du 16 juin, contresignée par le Ministre des affaires ecclésiastiques, M. Feutrier, évêque de Beauvais, les ramena à leur destination véritable, et, pour qu’ils ne pussent s’en écarter, les enserra dans les règles suivantes : limitation dans chaque diocèse du nombre des écoles secondaires ecclésiastiques proportionnellement aux besoins du sacerdoce, limitation à 20,000 du nombre total de leurs élèves pour toute la France, répartition de ce nombre entre les divers diocèses par l’autorité royale, interdiction d’avoir des externes et des demi-pensionnaires, obligation pour les élèves de porter la soutane à partir de quatorze ans, suspension de la remise du diplôme à. ceux qui seraient reçus bacheliers, jusqu’à leur entrée dans les ordres, enfin agrément par le roi des supérieurs et directeurs nommés par l’autorité épiscopale.

Le même jour, une autre ordonnance, qui ne provoqua pas une moindre explosion de colère et de plaintes dans le clergé et dans le parti hier encore maître des affaires, atteignit les jésuites. Expulsés de France par la monarchie avant la Révolution, ils n’avaient pas attendu la Restauration pour y rentrer. Dès les premières années de l’Empire, on les avait revus et reconnus sous le nom et le costume de Pères de la foi. « J’ai fait demander au pape, dit une fois Napoléon en séance du Conseil d’État, si les Pères de la foi étaient des jésuites ; il m’a répondu que non ; j’ai fait saisir leurs papiers, j’ai

  1. Session de 1827.