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A la Faculté de médecine, le ferment dangereux, ce n’étaient pas les enseignemens en eux-mêmes, c’étaient les hommes. On profita de la première occasion pour s’en débarrasser. La Faculté de médecine n’était pas en bonne odeur auprès des hommes de la Restauration. Dès les premiers jours, on l’avait dénoncée au roi. Professionnellement on lui reprochait de laisser les élèves sans guides, sans appels et sans interrogations, d’abréger la scolarité, de réduire l’enseignement à cinq mois de l’année, de conférer le doctorat à de trop jeunes gens et trop facilement, de laisser les chaires vacantes aux dépens de l’enseignement. Politiquement, on la dénonçait comme un foyer de bonapartisme et d’idées révolutionnaires. « Les professeurs sont les régulateurs de l’opinion des élèves. Ceux-ci se sont fait remarquer par leurs principes ultra-révolutionnaires. » Bref, « l’épouvantable réputation de l’école de Paris » exigeait pour le bien de tous une prompte et radicale réorganisation[1]. Cette réorganisation, le roi y avait consenti en principe, et c’est une commission présidée par un moine-chirurgien, le Père Elysée, qu’il avait chargée de la préparer. Elle avait conclu à la séparation de l’enseignement de la médecine et de l’enseignement de la chirurgie, à la création en dehors de l’Université, sous l’autorité du Ministre de l’intérieur, de trois Facultés de médecine et de trois Facultés de chirurgie, comprenant chacune non pas seulement ses professeurs, mais comme les collèges corporatifs de l’ancien régime, tous les docteurs en médecine ou en chirurgie légalement reçus et résidant à son chef-lieu. Ce projet était demeuré sans suite ; mais l’esprit de défiance et d’hostilité qui l’avait dicté persistait et veillait toujours, avivé même par la part des étudians en médecine aux troubles des écoles.

On le vit bien à la rentrée de 1822. La séance était présidée par le Recteur de l’Académie de Paris. Ce Recteur était un de ces abbés empruntés au clergé par le Grand-Maître pour en faire les plus hauts dignitaires de l’Université. L’occasion était bonne aux étudians pour manifester leurs sentimens. Ils sifflèrent, ils huèrent l’abbé-recteur ; en revanche, ils applaudirent et acclamèrent celui de leurs professeurs qui faisait le discours d’usage. Immédiatement une ordonnance supprima la faculté. On eût pu simplement suspendre les cours ; le scandale méritait répression. Mais on voulait atteindre les hommes, et pour cela il fallait faire table

  1. Adresse au roi et aux chambres sur la nécessité de réorganiser les Écoles de médecine et de chirurgie en France conformément aux statuts et règlemens de l’ancienne Faculté de médecine et de l’ancien collège de chirurgie en leur faisant subir quelques légères modifications, par J.-Th. Marquais, rapporteur de la commission de médecine et de chirurgie nommée par le roi ; Paris, chez Croulebois, 1817.