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la droite, de Puymaurin, dénonçant les « pédagogues jacobins » qui ont transformé « des chaires créées par la monarchie en sentine de toutes les idées révolutionnaires et de l’athéisme, où l’on parle toujours de Sparte et d’Athènes, de Brutus et de Caton, » pour détruire dans le cœur des jeunes gens « l’amour du roi et de la légitimité. » A la fin, ce sont les amis mêmes du gouvernement reprochant à la Commission d’avoir « été involontairement l’instrument de beaucoup de passions, de s’arroger tous les pouvoirs de l’Université et d’échapper à toute responsabilité[1]. »

Royer-Collard était de ceux qui rompent. Il donna brusquement sa démission à la fin de 1819. Homme de doctrine, absolu comme les idées universelles, rigide comme leurs rapports, il avait conduit son administration comme une démonstration. Et de fait c’était bien d’une démonstration qu’il s’agissait. En acceptant de présider la Commission, il avait voulu démontrer que l’Université n’avait en soi rien d’incompatible avec la monarchie et qu’elle pouvait la servir. Cette preuve, il croyait l’avoir faite. On le contestait. Il se retirait.

Son administration n’avait été ni sans honneur, ni sans résultats. D’une manière générale, il avait eu à faire vivre l’Université. Quand il se retira, elle vivait toujours, si bien que quelques mois plus tard, le pouvoir royal allait l’affermir davantage. Dans l’enseignement supérieur, il avait réalisé des changemens d’importance, la transformation de l’École normale et la réforme de la Faculté de droit de Paris. Au début, l’École normale était une sorte de séminaire pédagogique, lettres et sciences, appareillé aux Facultés de Paris. Royer-Collard en fit un être en soi et par soi ; les conférences intérieures, qui tout d’abord n’avaient été qu’une répétition des cours de la faculté, devinrent des cours particuliers, sur des programmes propres, avec des maîtres spéciaux. Pour la Faculté de droit, le Consulat et l’Empire en avaient limité l’enseignement au droit romain, au code civil, au code pénal et au code de procédure. Royer-Collard en élargit les cadres et en fit une véritable école des sciences morales et politiques. Par l’ordonnance du 24 mars 1819, elle était divisée en deux sections, les deux avec des enseignemens communs, chacune avec son enseignement particulier ; pour enseignemens communs, les élémens du droit naturel, du droit des gens et du droit public, le droit romain dans ses rapports avec le droit français, le code civil, la procédure civile et la législation criminelle ; pour enseignemens particuliers, dans l’une le code de commerce, dans l’autre le droit public positif et le droit administratif, l’histoire philosophique du droit romain et du droit français et l’économie politique.

  1. De Chauvelin, 10 juillet 1819.