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et celle des étudians. Après les Cent Jours il avait fallu, dans l’Université comme ailleurs, épurer le personnel. Toutes les facultés ne ressemblaient pas à la Faculté de droit de Paris. Dès les premiers jours de la Restauration, celle-ci, sans briser toutefois la statue en marbre qu’elle avait élevée, de ses deniers, à Napoléon, avait fait montre du plus ardent royalisme : aux Cent Jours, un bataillon de ses élèves avait suivi le roi à Gand. Mais ailleurs, en province surtout, autres étaient les sentimens. A Grenoble c’étaient deux professeurs de la faculté de droit et de la faculté des sciences, Berriat Saint-Prix et Bilon, qui avaient été à la tête de la fédération du Dauphiné. De même à Montpellier, Berthe et Virenque, professeurs à la faculté de médecine. A Dijon, un professeur de la faculté de droit, l’illustre jurisconsulte Proudhon, s’était hautement déclaré pour l’empereur, au retour de l’île d’Elbe. A Poitiers, à Rennes, d’autres professeurs de faculté avaient hautement manifesté leurs sentimens bonapartistes et figuré parmi les fédérés de la Vienne et de l’Ille-et-Vilaine. On était aux jours de la Terreur blanche, en présence de la Chambre introuvable, dans la tourmente des passions déchaînées. Il fallait frapper. La Commission frappa, mais avec une modération relative. On a, dressée par elle, la liste de ses exécutions. Elle comprend « neuf recteurs, entre vingt-cinq, et cinq inspecteurs d’académie destitués, un inspecteur suspendu, un secrétaire d’académie déplacé. Dans les collèges royaux, trois proviseurs, un censeur, trente-six professeurs, trois économes et un très grand nombre de maîtres d’études destitués ; deux proviseurs, un censeur, huit professeurs suspendus ; deux proviseurs, quatre censeurs, quinze professeurs déplacés ; treize principaux, soixante-dix-sept régens destitués ; cinq principaux et dix-huit régens suspendus. Dans les facultés, neuf professeurs de droit et de médecine suspendus[1]. »

Au total, c’est beaucoup. Mais qu’on songe à ce qui se passait à côté, dans les autres administrations publiques. Qu’on songe à Ney, à La Bédoyère, à Lavalette et aux cours prévôtales. D’ailleurs, bon nombre de ces suspensions n’étaient que provisoires ; un délai était donné aux intéressés pour produire leurs justifications. Plusieurs furent admises, entre autres celles de Proudhon et de Berriat Saint-Prix[2].

Après les écarts des maîtres, le trouble des étudians. Au lendemain des Cent Jours, il s’était produit çà et là quelques désordres,

  1. Procès-verbaux de la Commission d’instruction publique. (Archives du Ministère de l’instruction publique.)
  2. Procès-verbaux des séances de la Commission d’instruction publique, passim, 1815-1816.