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au baccalauréat et élèves des lycées sont aussi bon nombre des deux cent trente-sept étudians inscrits la même année dans les facultés des sciences, sauf à Montpellier, où une cinquantaine d’étudians en médecine suivent les cours de chimie et d’histoire naturelle, et à Metz où les cours de mathématiques sont suivis par une trentaine de candidats à l’École polytechnique et de soldats sapeurs. Seules les facultés de droit et de médecine ont vraiment une clientèle propre, trois mille au droit, douze cents à la médecine[1]. Les trois écoles de pharmacie incorporées à l’Université ont à peine donné signe de vie[2].

C’était donc bien tout bois mort que cette coupe de vingt facultés, et il n’y avait rien à perdre à leur disparition. Un détail qui donne une idée de leur misère, de leur néant. Que laissait derrière elle la Faculté des lettres de Clermont ? Pas un seul livre ; uniquement « la masse et la chaîne de l’appariteur[3]. » On doit regretter seulement que cette coupe ait été menée d’une manière tout à fait empirique, uniquement d’après les résultats constatés, sans aucune vue d’avenir. Pourtant c’était le président de la Commission, Royer-Collard, qui, l’année d’avant, avait voulu créer en province un certain nombre de centres et de foyers d’études. Puisqu’il fallait supprimer, quelle occasion meilleure, en n’obéissant pas aveuglément aux faits, de préparer pour l’avenir, sur quelques points d’élection, des groupes complets de facultés !

A vrai dire, le trouble général des affaires, des partis et des esprits rendait difficiles les longues pensées. Chaque jour, gagner un jour, était le principal souci. Maintenue à titre tout à fait précaire, sous l’annonce et la menace d’une loi qui pouvait tout changer, l’Université avait intérêt à ne pas laisser apparaître des projets à lointaine échéance. Sa fragilité lui était sans cesse rappelée. On la tient si bien pour un établissement provisoire que dans les villes, dans les facultés même, à la cour, se manifestent ouvertement des tendances au retour des anciennes universités et des corporations privilégiées. Ainsi, dès 1814, l’ordre des avocats d’Angers avait demandé au duc d’Angouléme le rétablissement de l’Université de cette ville. Deux ans plus tard, le conseil municipal renouvelle la demande[4]. Caen adresse une semblable requête, et l’appuie sur les sentimens très chrétiens de son Université disparue[5]. Montpellier, Bordeaux, Besançon, Orléans, Nancy,

  1. Archives nationales, F. 17-4727.
  2. Ibid., F. 17-4649.
  3. Ibid.
  4. Ibid., F. 17-4727.
  5. Ibid.