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toujours, semblait-il, l’Université, c’est-à-dire une corporation civile enseignant au nom de l’État et sous l’autorité du pouvoir civil.

Pendant qu’elle méditait ainsi un traité de partage et d’alliance avec l’Église, l’Université reçut soudainement un arrêt de démembrement. Par ordonnance du 17 février 1815, l’institution enseignante que Napoléon avait voulue « une et indivisible comme l’Empire français, » disparaissait, et il lui était substitué dix-sept universités régionales qui devaient porter chacune le nom de son chef-lieu.

Cette ordonnance est une date dans l’histoire de l’enseignement supérieur. Elle marque la première apparition, au cours du siècle, d’idées opposées à celles qui avaient prévalu jusque-là, et qui bientôt allaient recommencer à prévaloir sur l’organisation des hautes études. Non pas que ces universités de Normandie, de Gascogne, de Flandre ou d’Auvergne, que la Restauration mettait à la place de l’unique Université de France, fussent la renaissance des universités de l’ancien régime, ou l’apparition d’universités semblables à celles qui commençaient à jeter tant d’éclat dans les pays étrangers. C’était plutôt une segmentation de l’Université impériale, chacune d’elles était moins une véritable université qu’une académie ayant sa circonscription géographique, son recteur, son conseil, ses biens, ses facultés, ses collèges royaux et ses collèges communaux ; mais, pour la première fois, c’était une décentralisation de l’enseignement.

Les vrais auteurs de l’ordonnance, Royer-Collard et Guizot, avaient obéi à une double préoccupation d’ordre politique et d’ordre scientifique. Sans partager à aucun degré les colères violentes des royalistes intransigeans contre l’Université, ils se disaient cependant qu’une institution née du pouvoir absolu, façonnée par lui pour des desseins qui n’avaient rien de libéral, recèlerait toujours un danger pour les libertés publiques. Ils n’étaient pas hommes à faire entre les mains de l’Église ou des anciennes corporations enseignantes l’abandon des droits de l’État ; mais ils pensaient que, si le régime nouveau ne pouvait pas renoncer à l’éducation publique, il ne devait la donner qu’avec de nouveaux organes. Cette préoccupation apparaît très nettement dans le préambule de l’ordonnance : « Nous avons reconnu que l’instruction publique reposait sur des institutions destinées à servir les vues politiques du gouvernement dont elle fut l’ouvrage, plutôt qu’à répandre sur nos sujets les bienfaits d’une éducation morale et conforme aux besoins du siècle. » Elle est visible aussi dans les dispositions générales du système. Le dessein du gouvernement était « d’abolir le pouvoir absolu qui, dans l’Université impériale,