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les ordres de la nation avaient réclamée comme une nécessité publique, et dont la Révolution avait fait un devoir public ; puis une institution impériale que son fondateur destinait à être, dans ses mains, un instrument de rogne. À ce double titre elle était odieuse à ceux qui du retour des Bourbons concluaient au retour de toutes les choses de l’ancien régime, et à la suppression de l’œuvre entier de l’Empire et de la Révolution. Immédiatement, ils éclatèrent contre l’institution impie, « mélange impur de prêtres et de laïques, de prêtres mariés et d’apostats, de déistes et d’incrédules, de banqueroutiers et de divorcés[1], » conception « de toutes les conceptions de Bonaparte la plus effrayante et la plus antisociale, » « monument de la haine du tyran contre les générations futures[2]. »

C’était dans l’ordre. Mais, ce semble, il était aussi dans l’ordre, pour les modérés, pour les libéraux, pour ceux qui se flattaient, à l’aurore de la Restauration, de faire vivre d’accord, dans la liberté reconquise, la monarchie de droit divin et la société sortie de la Révolution, de distinguer entre l’institution nationale et l’institution impériale, et tout en condamnant l’une, de défendre et de sauver l’autre. Il n’en fut rien pourtant. Rendus défians par la tyrannie de l’Empire, soucieux de former la jeunesse à une tout autre école et de protéger le pays contre les retours offensifs du despotisme, dans l’Université, ils ne virent pas tout d’abord, derrière la machine politique, l’œuvre publique et nationale, et s’ils ne furent pas les plus violens, ils commencèrent par être les plus actifs et les plus puissans de ses adversaires.

La première parole dite au nom du gouvernement touchant l’instruction publique "avait été la négation du principe même d’un enseignement d’État. « Les formes et la direction de l’éducation des enfans seront rendues à l’autorité des pères et mères, tuteurs et familles[3]. » Le premier acte du gouvernement touchant la même matière allait beaucoup moins loin. Au fond, l’Université était condamnée ; seulement, comme il importait « de prévenir tout relâchement et toute interruption dans l’éducation de la jeunesse, » on la maintenait, mais juste, à titre tout à fait provisoire, le temps « qu’on pût apporter à l’ordre actuel de l’éducation publique les modifications qui seront jugées utiles[4]. »

Ces modifications, l’Université crut habile, puisqu’on lui laissait quelque répit, de les rechercher et de les indiquer elle-même,

  1. Mémoire anonyme sur l’Université, 1814.
  2. La Mennais, de l’Université impériale, 1814.
  3. Arrêté du 8 avril 1814.
  4. Ordonnance du 24 juin 1814.