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LES ANGLAIS EN BIRMANIE.

aux faiblesses inhérentes à la nature humaine, on ne pourra contester que l’Inde britannique, de nos jours, n’offre un spectacle unique et sans rival dans l’histoire du monde… Et qui a opéré tous ces miracles ? La sagesse et l’intrépidité de quelques hommes d’État dirigeans, la bravoure et la discipline d’une armée composée d’un petit nombre d’Anglais et d’un grand nombre d’indigènes[1], conduite par des héros ; enfin, et je dirai presque principalement, l’intelligence, le dévoûment, le courage, la persévérance, l’habileté jointe à une intégrité à toute épreuve d’une poignée de fonctionnaires et de magistrats qui gouvernent et administrent toute l’Inde. »

Ces témoignages sont décisifs.

Et cependant contre ces témoignages mêmes, nombreux, formels, concordans, des témoignages contraires s’élèvent. Ici, c’est un voyageur qui a rencontré dans l’Inde, au lieu d’hommes éminens, indépendans, pleins d’initiative, de véritables bureaucrates européens à l’esprit subalterne et tatillon. Là, c’est un résident du Caire qui déclare les fonctionnaires anglais détachés en Égypte inférieurs à la moyenne des hommes comme intelligence et comme probité et propres à laire, par le contraste, ressortir le talent et la droiture de fonctionnaires des autres nationalités.

Les accusations venues d’Égypte me touchent assez peu. Voici pourquoi. Les fonctionnaires qu’on y a détachés de l’Inde n’appartiennent pas, pour la plupart, au covenanted civil service, le seul qui nous intéresse ici, parce que c’est le seul qui conduise à ces hautes fonctions dont les titulaires peuvent exercer sur le gouvernement d’un pays une influence profonde. Eussent-ils été tirés de ce service, — et c’est effectivement le cas de plusieurs d’entre eux, — cela ne changerait pas encore mon opinion. La manière, en effet, dont sont recrutés les fonctionnaires du covenanted civil service, les épreuves qu’on leur impose, les connaissances qu’on exige d’eux, les rendent propres à servir dans l’Inde, et non ailleurs. Déplacés du théâtre où ils doivent appliquer ces connaissances, ils peuvent être inférieurs à eux-mêmes, sans que cela prouve contre leur valeur professionnelle dans le pays qu’ils étaient destinés à administrer. D’ailleurs, cette concession faite, je dois dire que les fonctionnaires anglais dans l’Inde ne sont pas tous ce que les décrit le résident du Caire auquel je fais ici allusion. Sir Raymond West, par exemple, et M. le juge Scott, et sir Auckland Colvin, actuellement lieutenant-gouverneur des provinces du nord-ouest de l’Inde, y ont fait excellente figure à côté de n’importe

  1. Armée composée d’Anglais : 75,000 hommes. Armée composée d’indigènes : 100,000 environ.