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de la satire et de l’invective. On reconnaît la main et on croit entendre la voix de l’impératrice elle-même. Elle dénonce et elle raille sans pitié l’hypocrisie artificieuse de la Sardaigne et les pleurnicheries de la Hollande. Mais dès que le nom de l’Angleterre est prononcé, son irritation ne ménage plus rien : « Le plan que l’Angleterre nous propose, dit-elle (elle le comprenait à travers la réserve de Sandwich), est conçu de telle façon qu’on pourrait le croire rédigé à Versailles plus qu’à Londres. Sans doute, le contre-projet de la France renferme certaines choses qui sont pour nous menaçantes et nuisibles ; mais peut-on le mettre en parallèle avec les conditions que veut nous imposer l’Angleterre ? Un établissement de l’infant Philippe à nos dépens et toutes les concessions du traité de Worms gardant toute leur valeur ! et par-dessus le marché, on complète ce fameux projet par la proposition que le roi de Prusse serait associé à l’œuvre de la paix générale… Dites au comte de Saint-Séverin que sa cour aussi bien que nous doit tirer de ce qui se passe une leçon et un avertissement. Si jusqu’à ce jour la France s’est montrée hostile aux intérêts de notre maison, ce sentiment a imposé aux deux nations des sacrifices incalculables, et d’autres ont su les mettre à profit. Encouragés par les bénéfices du passé, ils se disposent à opérer de même dans l’avenir et à susciter des agitations nouvelles… L’objet principal de la réconciliation qu’il s’agit de sceller, est précisément de déjouer ces manœuvres… A la vérité, si nous acceptons les propositions françaises, un soupçon peut s’élever (car ils sont peu nombreux, ceux qui sont en situation de pénétrer des secrets d’État) : on croira dans le monde que si nous nous sommes réconciliés avec la France, ce n’était point par nécessité ni pour éviter d’être sacrifiés par nos alliés, mais pour notre avantage personnel. Aussi la France doit-elle comprendre la légitimité de nos scrupules,.. elle peut avoir une confiance inébranlable dans nos sentimens d’amitié, mais il faut qu’elle montre elle-même l’esprit de justice et de loyauté qui inspire notre politique… Il faut faire comprendre à la France que l’Angleterre et la Prusse travaillent, à l’envi, à l’affaiblissement des grandes puissances catholiques, par conséquent que nos intérêts communs exigent des mesures propres à tromper de telles manœuvres… Le cardinal de Fleury a pleinement reconnu que c’est la Prusse qui a provoqué le bouleversement dont l’Europe est victime depuis la mort de notre vénérable père. Les révélations qu’il a faites après la conclusion des préliminaires de Breslau peuvent être invoquées pour appuyer ces considérations. Toutefois, c’est la voix et non la plume qui doit servir en pareil cas… Le système anglais est percé à jour, il consiste à assurer à nos dépens la grandeur de la Prusse et de la Sardaigne. On opposerait ces deux rois à la maison de