Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
68
REVUE DES DEUX MONDES.


majorité des principaux fonctionnaires du civil service. Si l’on cherche, après les explications qui précèdent, à dégager la caractéristique de ce recrutement, on trouve qu’il repose sur un contrat tacite entre l’Inde et ses agens. C’est un contrat de l’espèce do ut des ; l’Inde dit à ceux qu’elle appelle : « Soyez supérieurs et je serai magnifique. » Et des deux côtés, l’on se tient parole et l’on se donne au surplus des garanties. Il intervient même un contrat formel qu’on appelle covenant. Ce covenant ou agrément n’était à l’origine et, en apparence, n’est encore aujourd’hui que l’engagement pris par le fonctionnaire de remplir certaines obligations :, s’abstenir de tout acte de commerce, s’interdire de recevoir aucun présent [1], assurer l’avenir des siens, etc. Mais, avec le temps, et sans changer de forme, il a changé de signification. À cet enga-

    de l’Inde appartenant au covenanted service est fixée au chiffre moyen de 25,000 francs et il en est de plus considérables. Celle de nos fonctionnaires les plus favorisé ?, — et vous savez la cause de ces faveurs : blessures, mutilations, pertes des yeux, — ne peut, pour les résidons supérieurs, dépasser 9,000 francs, et, pour les autres agens, 7,200. La moyenne est très inférieure à 6,000 francs ; le minimum descend jusqu’à 2,300.

    C. Importance des fonctions. — L’Inde offre à ses fonctionnaires en activité les positions les plus intéressantes. Pour beaucoup, l’avancement hiérarchique s’arrête aux fonctions déjà considérables (36,000 à 54,000 francs de traitement) de magistrale and collecter {chef de district) qui, de l’avis de tous, sont passionnantes par l’étendue des devoirs et des responsabilités. Pour les mieux doués ou les plus favorisés, il peut conduire jusqu’à la situation de lieutenant-gouverneur et de commissaire en chef (les gouverneurs de Madras et de Bombay et le vice-roi étant pris en dehors des fonctionnaires de carrière et choisis ordinairement dans le monde politique). D’ailleurs, le rôle des fonctionnaires de l’Inde ne finit point avec la retraite : ils peuvent encore figurer dans le conseil suprême de l’Inde et y exercer la plus salutaire et la plus légitime influence. — Après ces quelques indications, citons, pour mieux fixer les idées, les états de services d’un de ces fonctionnaires, par exemple, de sir Charles Bernard qui fut le premier chief commissioner de Birmanie. Il sort de Haileybury College en 1858 ; il débute au Pundjab, comme assistant commissioner : en 1861, il passe au gouvernement de l’Inde avec le titre de sous-secrétaire au département des finances ; en 1862, il est juge au tribunal des petites causes dans les Provinces Centrales, où il devient, en 1864, secrétaire du commissaire en chef ; en 1869, il est commissaire de la division de Naypur ; de 1871 à 1875, il fait partie du conseil du lieutenant-gouverneur du Bengale ; en 1876, il sert de secrétaire à sir R. Temple, envoyé en mission dans les présidences de Bombay et de Madras ; en 1877, il est nommé secrétaire auxiliaire du gouvernement de l’Inde, au département des finances et de l’agriculture ; de 1878 à 1880, il est secrétaire du département de l’intérieur ; en 1881, secrétaire du département des finances et de l’agriculture ; en 1880, il a été détaché en Basse-Birmanie pour y exercer provisoirement les fonctions de chief commissioner ; il est confirmé dans ses fonctions en 1882 ; il y reste jusqu’en 1888, pendant tous les événemens de Haute-Birmanie, pour être alors nommé à Londres, à l’India office, secrétaire du département des finances et de la statistique.

  1. Bien entendu, les princes indigènes sont libres de faire des cadeaux, ils en font effectivement ; il serait fort impoli de les refuser ; mais aussitôt reçus, ils sont déposés dans un endroit ad hoc et deviennent la propriété du gouvernement (voir Hübner, op. cit., II, p. 31, et surtout le Journal de la marquise de Dufferin, 2 vol. in-18, Calmann Lévy, 1890).