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l’instruction à exécuter. On se souvenait du désordre qu’avaient fait naître à Bréda les incartades de Macanas ; son successeur, Massonez, duc de Sotomayor, passait pour un meilleur choix, mais d’une capacité bornée qui ne le défendait ni des séductions qu’on pourrait lui offrir, ni des pièges qu’on pourrait lui tendre.

Quant à l’agent autrichien, ses instructions étaient connues au moins de la France, puisqu’elles avaient déjà été consignées par écrit dans le projet de préliminaires de paix, communiqué à Versailles par le ministre saxon. Malgré quelques réserves qui trahissaient l’embarras d’une subite évolution, c’était, on l’a vu, de la part de Marie-Thérèse, un changement complet d’attitude et d’allures. Avertie des dispositions pacifiques qui avaient fini par prévaloir dans les derniers conseils du cabinet britannique, et convaincue que c’était à ses dépens que ses alliés cherchaient à s’accommoder, elle prenait résolument les devans sur une défaillance qu’elle qualifiait déjà de défection, au besoin même de trahison. D’heure en heure, d’ailleurs, chaque courrier accroissait ses ressentimens et ses méfiances : c’était Charles-Emmanuel qui, informé, pensait-elle, de ce qui se tramait contre elle à Londres, opposait à tous les plans qu’elle proposait pour une nouvelle campagne autour de Gênes, des difficultés, des ajournemens sans cesse renaissans. Il se refusait à toute mesure offensive, il entendait s’enfermer strictement dans ses lignes de défenses : preuve évidente, disait Marie-Thérèse, qu’il voulait séparer sa cause de celle de l’Autriche. D’un autre côté, c’était Cumberland qui, arrivé à La Haye et trouvant partout la trace du dénûment et de l’imprévoyance du gouvernement hollandais, au lieu de s’appliquer à réparer le mal, semblait se plaire à le constater et même à l’exagérer. Tout, en un mot, paraissait à son esprit inquiet l’indice d’un plan concerté pour la réduire à accepter une paix dont les conditions fixées par avance, à son insu, seraient pour elle celles d’une véritable capitulation. Dans cette situation pleine d’angoisses, un arrangement particulier et direct avec la France était plus que jamais à ses yeux son unique recours et son moyen de légitime défense.

En réalité, elle ne tenait qu’à deux choses ; d’abord à acquérir, moyennant cette satisfaction donnée à la France, la facilité de reprendre sur ses perfides alliés, et principalement sur le roi de Sardaigne, les larges cessions de territoire qu’elle avait consenties par le traité de Worms, sous l’empire des injonctions de l’Angleterre et en échange d’une promesse qu’elle n’espérait plus voir accomplir. Elle désirait ensuite que la France s’engageât à ne pas confirmer le concours qu’elle avait donné autrefois à la conquête de la Silésie, en y ajoutant une garantie nouvelle pour