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Sarpi sur la « querelle des Augustins contre les Jacobins. » Non-seulement, en effet, nous dit M. Rébelliau, « les historiens les plus autorisés, Guichardin, de Thou, Sleidan, ne savent rien de cette légende, » mais, « même parmi les ennemis acharnés de Luther, nul n’attribue à son entreprise une telle origine. » Il paraît aussi que Bossuet prête quelque part à Luther une parole d’Ulrich de Hutten, et qu’il confond ailleurs la première et la deuxième édition de la Visitation saxonique. S’est-il également trompé d’une autre manière sur « le caractère foncièrement religieux des guerres civiles du XVIe siècle en France, et sur le caractère essentiellement protestant des troubles du règne de François II et de la minorité de Charles IX ? » sur la conjuration d’Amboise ? sur le massacre de Vassy ? sur la connivence des chefs protestans dans l’assassinat du duc de Guise ? Nous n’avons ici, pour discuter ces questions, ni la place, ni la compétence qu’il faudrait. Nous nous contenterons donc de renvoyer au livre de M. Rébelliau, mais nous ferons observer avec lui qu’il ne semble pas que, de ces erreurs, les unes « entament l’ensemble des théories de Bossuet, » ni que les autres soient bien graves. « Dans la partie historique de l’Histoire des variations, conclut-il, Bossuet n’a pas seulement écrit une narration littérairement très belle, mais il a exécuté d’une manière originale et solide une œuvre, encore aujourd’hui considérable, de recherche scientifique. » C’est la vérité même.

Mais, de tous les reproches que l’on ait pu faire à l’Histoire des variations, s’il en est un qui soit plus injuste que tous les autres, c’est celui de « déclamation. » Il n’y en a guère, en revanche, qui soit plus significatif ; et nous voyons qu’en tout temps, lorsque l’on reproche à un homme d’avoir abusé de son éloquence ou de son esprit, c’est que l’on n’a rien de mieux, ni, comme l’on dit, de plus topique à lui répondre. Bossuet a été le plus éloquent des mortels, et encore aujourd’hui, comme si les hommes avaient naturellement la haine de la supériorité, beaucoup de gens lui en veulent de son « éloquence, » qui ne doivent pourtant, eux, la liberté qu’on leur passe de parler ainsi de Bossuet qu’à leur « style. » Non-seulement, cependant, il n’y a pas ombre de « déclamation » dans l’Histoire des variations, mais il n’y a pas même trace de « rhétorique. » S’il y en avait quelqu’une dans Bossuet, ce serait dans l’Oraison funèbre de Marie-Thérèse, où d’ailleurs je ne dirai pas que, pour un prédicateur chrétien, la matière fût infertile et petite, mais où il faut cependant convenir qu’il a été moins bien inspiré. Ce serait aussi dans quelques-uns des sermons de sa première jeunesse, dans le Panégyrique de saint Bernard ou dans le Sermon sur la loi de Dieu. Comme tous les orateurs, Bossuet faisait là son éducation, et il apprenait, de la rhétorique même, à en mépriser plus tard les faux brillans ou les mouvemens artificiels. Mais dans